Tiré du roman de Dennis Lehane, "Quand vient la nuit" est un polar noir et singulier, qui déroule son intrigue par une narration sans spectaculaire, ni effet. Sobre, voire terne comme ce qui entoure les protagonistes. Une belle photographie, des moments de confrontation silencieux, des jeux de caméras serrés pour appuyer ce sentiment de malaise et d'enfermement et cette atmosphère sourde propre à l'écrivain. Appuyant cette ambiance de rues désertes, de solitude et de lumière froide, pour une direction d'acteurs impeccable.
Bob Saginowski, (Tom Hardy) employé comme barman par son cousin Marv (James Gandolfini) adoptera un chiot laissé pour mort dans une poubelle...sera témoin d'un hold up minable... et rencontrera une jeune femme harcelée par son ex-petit ami, pour un soupçon de « love story « improbable mais signe d'espoir d'une vie meilleure.
Son cousin, ancien caïd, joué par James Gandolfini, imposant mais impuissant face à la main mise de la mafia tchétchène sur son établissement, optera pour une solution radicale à se sortir de cet enfer, offre un personnage hors jeu, animé par sa vengeance d'avoir perdu "sa gloire"passée.
Michael Aronov, excellent dans ce rôle du chef mafieux, où la tension est palpable dans toutes ses apparitions et où l'on se sait jamais de quoi il retourne. La narration tout du long va d'ailleurs dans ce sens, le flou concernant les réelles motivations des uns et des autres, dans ce « monde » de blanchiment d'argent par les jeux clandestins. Un quotidien morne et misérable. Une tranche de vie banale dans ce quartier pauvre où tous subissent mais sont complices.
Tom Hardy, dans le rôle de ce barman, imperméable, solitaire et quelque peu inadapté, sera d'un certain réconfort pour tous, son regard désabusé survolant calmement l'adversité. Investi par l'adoption de ce chiot, "Rocco", sorte de bouée de sauvetage, qui sera l'élément déclencheur de tous les événements.
Comme Jeffrey Dean Morgan pour lequel j'avais revu ma "copie" par son jeu enfin sobre dans la série "Texas rising" qui démontrait son talent d'acteur et portait même la série, ici aussi, Tom Hardy démontre, en jouant sans cesse de ses attitudes malgré un visage impassible, un personnage que l'on ne cernera pas totalement, ambigu, qui se révèle excellent, malgré cette attitude toujours un peu "gauche" que l 'on retrouve dans ses rôles.
L'ex- petit ami, Deeds, petite frappe envahissante est lui aussi parfaitement interprété par Matthias Schoenaerts avec une scène finale tendue et qui nous ballade encore. Noomi Rapace qui oscille parfaitement entre force et fragilité, et John Ortiz, dans le rôle du policier en charge de l'enquête est tout en ambiguïté réussie et dialogues bien sentis.
Jusqu'à la chute inattendue, mais qui s'impose curieusement comme une évidence.
On peut saluer le travail du metteur en scène Michael R. Roskam. qui réussi l'adaptation, comme ont été réussis également "Shutter Island" par Scorcese, "Gone baby gone" de Ben Affleck, et "Mystic river"par Eastwood.