On attend toujours le dernier Ozon avec impatience et curiosité, ce réalisateur prolifique et touche à tout depuis plus de 25 ans, avec au centre de ses films les intrigues humaines qu'il dépeint avec vérité, cynisme, noirceur, ambivalence et ironie, en mettant volontiers les femmes à l'honneur.
Pour son 23ème long-métrage, le réalisateur aborde avec tendresse mais sans complaisance et beaucoup de questionnement, le sort de ces femmes écrasées de solitude, à l'automne de leur vie, avec des relations familiales compliquées et les amitiés qui les font vivre.
D'un sujet assez peu traité au cinéma, et au fond assez triste, François Ozon arrive à nous concocter une intrigue captivante et rythmée, sous la forme d'un quasi thriller à la Claude Chabrol, dont l'issue et la vérité, non complètement révélée, peuvent se regarder sous plusieurs facettes des rapports mère-enfant qu'on regrette toujours d'avoir plus ou moins bien réussies, disons plus ou moins ratées.
Et si le film commence, dans une nature automnale (fort à propos avec la date de sortie du film bien sûr) aux couleurs flamboyantes en pleine Bourgogne, par une cueillette de champignons hasardeuse commise par deux vieilles amies Michelle et Marie-Claude, c'est pour d'emblée installer une ambiance de doute et d'actes manqués ou voulus en chaîne façon dominos, dont les conséquences vont impacter tout le film, en jouant habilement sur l'ambiguïté des sentiments, la difficulté de vieillir et les subtilités entre le bien et le mal.
Et jusqu'où est-on prêt à aller pour adoucir l'automne de sa vie quand nos enfants nous rejettent ?
Michelle, c'est cette grand-mère au passé trouble, brillamment interprétée par Hélène Vincent, qui a eu très peu de si grand rôle dans sa carrière (on se souvient à peine de son rôle de Madame Le Quesnoy dans La vie est un long fleuve tranquille, qui lui valu le César de la meilleure actrice dans un second rôle en 1989). En conflit avec sa fille malheureuse (Ludivine Sagnier, petit rôle interprété efficacement), elle exprime parfaitement tendresse et dureté; elle se bat pour voir son petit-fils Lucas et ainsi combler le vide de sa vie.
Marie-Claude c'est l'éternelle, naturelle et géniale Josiane Balasko, dont le fils Vincent (un très bon et énigmatique Pierre Lottin) sort de prison et que Michelle va prendre sous son aile. Son comportement en retour est étrange et a bien des conséquences imprévisibles.
A noter les échanges très beaux entre Michelle et le fantôme de sa fille, qui montrent avec élégance et sensibilité comment les personnes âgées sont davantage dans les regrets de leur passé et de leurs ratés.
Aimons-nous vivants, cette chanson de François Valéry, qui vibre dans le bar de Vincent, est au fond très emblématique de l'ambiance du film, les paroles annonçant : n'attendons pas que la mort nous donne du talent, quelle justesse !
Et comme au début, la fin se situe dans la campagne automnale jaune et rouge, où Michelle passe le témoin à Vincent et à Lucas, une façon de boucler cette histoire au fond bien mystérieuse, et qui laisse le spectateur décider des culpabilités et où sont le bien et le mal.
Un très joli film tendre et féroce comme sait nous les échafauder François Ozon !