Au départ, je comptais intituler cette critique "Au moins, c'est frontal". Pourquoi ? Regardez le scénario :
Le 4 juillet, un cowboy arrive en ville avec 3 acolytes patibulaires et demande après Ballard, un citoyen respectable arrivé depuis 2 ans, qui se marie aujourd'hui avec la fille riche du coin. Le cowboy interrompt la cérémonie, se dit marshall et arrête Ballard pour le meurtre de son frère et le vol de 20 000 $. Au départ, toute la ville fait front avec Ballard et veut lyncher les intrus. Mais le télégraphe étant couper, et les papiers produits par le "marshall" semblant authentiques, le doute s'installe. Progressivement, c'est Ballard qui va devenir la proie de la foule, alors qu'il devient vite évident pour le spectateur que le marshall poursuit une vendetta personnelle et est un imposteur. Seule la fiancée et la pute (pourtant jalouse de la fiancée) vont au-delà des apparences trompeuses.
Ah, et j'oubliais le nom du marshall imposteur.. Mac Carthy. Les Etats-Unis, années 1950. Oui, c'est plutôt frontal.
Le milieu du film est un peu faible, avec des péripéties un peu prévisibles et pas toujours bien amenées, comme la scène où Ballard se cache chez la pute, puis chez sa fiancée. C'est un peu bavard, et il faut bien dire que le héros, John Payne, fait plutôt penser à un héros de film noir qu'à un émule de Randolph Scott. Bon, jouer dans ce film est en soi un acte de courage, mais en-dehors de quelques plans où il arrive à faire "cowboy", Payne est un acteur trop urbain. Dan Duryea est parfait en MacCarthy. C'est étonnant comme ce gars marche dans les pas de Widmark dans son interprétation de méchant sadique et manipulateur (mais Widmark, lui, sait aussi jouer les gentils ^^).
Alors s'il n'y avait que ça, on aurait un de ces westerns oubliés avec un message politique courageux. Mais j'ai énormément aimé le dénouement, que Dwan a bien soigné.
Ballard, pourchassé par toute la ville, se réfugie dans l'église. MacCarthy, en prenant à témoin le cercueil du shériff (qu'il a refroidi 20 mn. plus tôt), excite la foule contre lui. Ballard se réfugie dans le clocher et subit le mitraillage de ses anciens amis. Pendant ce temps, les deux filles ont convaincu le télégraphiste de contacter les autorités pour démasquer MacCarthy, grâce au cable enfin réparé. Tel un "Deus ex machina", Rose arrive, fait lire le télégramme au juge. MacCarthy, dans le clocher avec Ballard, est pris au piège. Il tire sur Ballard, mais la cloche lui renvoie sa balle. Ballard descend, le juge dit que toute la ville est désolée, Ballard explose ("il y a 10 min. vous vouliez me tuer", etc...) et part avec Rose
Et c'est là que le film est particulièrement malin. Un des personnages les plus insupportables de la foule dit "Et qui nous dit que le télégramme n'est pas faux ?". Et les deux types de part et d'autre de lui le regardent de manière méprisante. Et vous, en tant que spectateur, vous pensez la même chose : pauvre type...
Sauf qu'il a raison : en l'absence de réponse, Rose et la pute ont forcé le télégraphiste à rédiger un faux message. Le dernier plan montre la pute qui séquestre le télégraphiste : un message, vrai celui-là, arrive. Par chance il dit à peu près la même chose. La pute, heureuse, part en courant l'annoncer à Rose. Fin. C'est un peu moins stéréotypé que Cooper jetant son étoile de shériff à la fin de "High noon", et ça vous fait réfléchir sur votre regard de spectateur : Hé oui, ce petit lyncheur en herbe que vous trouviez si stupide s'est finalement montré plus intelligent que vous. Voir, est-ce forcément juger ? Etc...
Bref, en dépit d'une interprétation un peu décevante, d'une finition formelle "petit budget" et de longueurs à mi-parcours, "Silver lode" est un assez bon western qui réserve quelques surprises, et va même plus loin qu'un simple acte de courage politique en plein MacCarthysme.