Clôturant le « cycle » animalier, le troisième film de Dario Argento est aussi un de ses plus méconnus. La raison en est assez simple : pour des questions de droits d’auteur, le film n’a connu aucune diffusion ni aucune sortie vidéo avant 2009. De prime abord, ce n’est pas le film de Dario Argento le plus abouti. Autant visuellement le film déborde de trouvailles remarquables (l’entrée dans le théâtre avec les différents rideaux qui s’ouvrent, la scène du moustique, la séquence finale, etc.), autant le scénario se révèle particulièrement creux. Les personnages qui ne servent à rien sont nombreux, les incohérences dans le récit pullulent et les interrogations restent multiples au moment du générique final. On est loin, en ce sens, de la précision d’un récit comme L’Oiseau aux plumages de cristal ou Les Frissons de l’angoisse. On sent bien que le scénario a été écrit pour servir des idées de mise en scène.
L’ensemble apporte cependant des éléments supplémentaires au giallo. Le masque de l’assassin, la voix murmurée de celui-ci, le rêve à interpréter qui revient sans cesse, le couteau qui s’enfonce de façon verticale et qu’on accompagne avec la caméra : en clair, le film annonce aussi les grandes œuvres à venir du maître. On notera aussi sa capacité à introduire tous les éléments qui font le giallo dans ses films, ce que ne parviennent pas toujours à faire ses contemporains. L’ensemble n’est pas très sanglant (c’est, d’ailleurs, sûrement le film le plus sage de Dario Argento) mais on retrouve cette capacité du cinéaste italien à créer des moments de tension parfaitement dosés. La musique d’Ennio Morricone colle un peu plus au propos même si elle ne parviendra jamais à atteindre la réussite des compositions des Goblin qui prendront la suite après ce film.
Porté par un duo un peu fade, avec un tout jeune Michaël Brandon qui fait le job malgré tout, Quatre mouches de velours gris manque de rigueur et annonce les œuvres moins abouties de Dario Argento où la forme tourne parfois un peu à vide. L’atmosphère de l’ensemble et la qualité de la mise en scène en font cependant un film plaisant qui apporte un éclairage intéressant sur l’évolution du travail du maître du giallo. Un film pas incontournable dans sa filmographie mais important pour saisir l’essence de son art.