Au premier plan, jacques. C'est dimanche, il ne sait pas où il va, mais il y va, et il est heureux. Jacques erre dans les rues de Paris. Il ne parle jamais à personne. Jacques est un rêveur amoureux d'un idéal. Quatre nuits d'un rêveur est un film oublié, c'est une parenthèse Hippie, mais c'est un rêve éveillé.
C'est par ce film d'errance et d'espérance, au croisement de deux histoires sur le pont Neuf que Bresson veut renouer avec la jeunesse. Il veut les toucher, grâce à la pureté des sentiments qui s'éprouvent quand on attend encore tout de la vie. Ce que Bresson exprime là, c'est l'espoir de se construire une vie, c'est l'orgueil de tout jeune qui se respecte, ce sont les rêves de gloire, l'envie et l'honnêteté qui poussent la jeunesse à dire qu'elle existe. Qui la pousse à dire oui à la vie, à lui dire merci, à lui dire non. A lui en vouloir. A s'en vouloir. Bresson signe là un film d'amour pur et innocent de rébellion, d'art et d'ambition.
Quatre Nuits d'un rêveur, c'est de la peinture, comme toujours chez Bresson. Mais cette fois, il se demande comment saisir un idéal. Dans l'expression pure des sentiments de jeunes gens en quête d'un peu de rêve dans leur vie engourdie. Oui, le cadrage défait le hors-champ pour nous focaliser sur ce qui émerge avant de disparaître: des sentiments. C'est un film rare je le répète, rare parce qu'il est tellement soixante-huitard, parce qu'il est tellement Kitsch, tellement pop, tellement sincère et tellement beau. Ce qu'il reste des quatre nuits d'un rêveur, c'est le pont neuf à onze heures du soir, quelques guitares métadiscursives, les mains sales de Jacques, le manteau noir de Marthe, un peu d'érotisme, un peu de narcissisme, un peu de désolation, et surtout, de la sincérité. Car ce qu'il reste, c'est le reflet bleu de Paris sur la Seine, en pleine nuit, le lieu d'une rencontre et une main tendue au désespoir qui lie deux êtres réunis par ce qui les sépare.