1718.Louis XIV est mort depuis trois ans,laissant une vacance de pouvoir car l'héritier du trône,le futur Louis XV,est trop jeune pour régner,ce qu'il fera plus ou moins à partir de 1723 à l'âge de treize ans,majorité royale requise.En attendant,c'est Philippe d'Orléans,petit-fils de Louis XIII, qui assure la régence du pays,mais son pouvoir est contesté de toute part,d'autant que l'homme est un débauché notoire plus préoccupé de parties fines que des affaires politiques qu'il abandonne volontiers à son âme damnée,un abbé de cour nommé Dubois.Au milieu des années 70,Bertrand Tavernier dégoupille ce fracassant film historique qui ne respecte sans doute pas toute la véracité des faits,mais l'époque était si confuse et troublée qu'il aurait été compliqué de la transcrire avec exactitude.Tavernier a coécrit le scénario avec Jean Aurenche,qui forma de années 40 aux années 70 avec Pierre Bost le duo mythique d'auteurs du cinéma français,leurs personnages étant d'ailleurs présents dans le "Laissez-passer" réalisé par le gars Bertrand en 2002.L'oeuvre est quasiment expérimentale et consiste en une suite de tableaux qui finissent par esquisser les contours d'une période décadente pas si éloignée de celle que nous vivons actuellement.Le régent cristallise la pourriture préfigurant la fin du monde aristocratico-religieux qui domina la France durant des siècles.De fait,nous ne sommes que 70 ans avant la Révolution et Louis XV sera l'avant-dernier roi de France.Tous les clignotants sont au rouge et chaque scène exsude la folie d'une situation qui part irrésistiblement à vau-l'eau.Philippe d'Orléans souffre d'une légitimité douteuse que n'arrange pas un mode de vie qui dérangeait en ce temps-là.Il a l'âme d'un réformiste mais n'a pas vraiment les moyens de ses ambitions.Les caisses sont peu remplies et tout le monde veut sa part,ce que l'indécision du régent ne fait qu'encourager.Pendant qu'il festoie en compagnie de jouisseurs et de prostituées,le peuple vit dans la pauvreté et la révolte gronde,surtout en Bretagne où la petite noblesse menée par le marquis de Pontcallec veut s'affranchir de la fiscalité étatique et complote avec les espagnols,au grand dam de Dubois qui lui est dans la main des anglais et des hollandais qui contrôlent la banque et sont nécessaires aux finances françaises.Le duc de Bourbon est le seul membre important de la famille royale à soutenir le régent,mais il le soutient comme la corde soutient le pendu,en le rançonnant,alors que l'Eglise,s'estimant elle aussi menacée par l'appétit vorace de l'Etat,cherche à expatrier ses fonds.Pendant ce temps,des rafles sont organisées afin de déporter des habitants vers la lointaine colonie américaine de Louisiane qu'il faut peupler tandis que les candidats ne sont pas légion,et les gens sont même mariés de force.Tout ceci dresse le portrait d'un bordel surréaliste où la misère la plus crasseuse côtoie le luxe,ceci n'excluant pas la haute société où l'on s'exerce à tirer au canon dans les parcs en ratant l'objectif pendant que le médecin officiel du pouvoir,qui s'appelle Chirac!,se livre à de la boucherie dégueulasse et bien peu efficace alors que des domestiques,les "valets de pisse" qu'on verra plus tard dans "La folle histoire du Monde" de Mel Brooks,se baladent avec des seaux dans lesquels urinent publiquement les aristos tout en continuant à deviser tranquillement.Au milieu de ce marigot purulent se meut avec aisance la figure de Dubois,faux ecclésiastique mais vrai magouilleur,qui manipule le régent dont il obtient tout ce qu'il veut,même si d'Orléans s'exécute souvent à contre-coeur.Mais une véritable amitié lie ces deux-là et Philippe est trop habitué à se reposer sur cet intrigant qui exagère la révolte bretonne afin de complaire à ses commanditaires anglo-saxons,ce qui coûtera la vie aux rares insurgés,tout en parvenant à se faire nommer évêque alors qu'il ne sait même pas dire la messe,car il anticipe la prochaine fin de la régence qui le priverait de ses prérogatives.Beaucoup de talents ont été réunis pour fabriquer le film,notamment Pierre-William Glenn qui signe la photo ou Laurent Heynemann qui est assistant.La musique colle idéalement à l'ambiance,et pour cause puisqu'elle est d'époque et signée.....Philippe d'Orléans car le type,qui fut élève du célèbre Marc-Antoine Charpentier,composait à l'occasion plutôt bien.On entend aussi la chanson hommage à Pontcallec "Marv Pontkalleg",chantée en breton par Gilles Servat.Yves Robert est producteur avec sa société La Guéville.Question interprétation c'est assez démentiel et on trouve aux premières loges le trio de copains Noiret-Rochefort-Marielle,qui ne seront à nouveau réunis que vingt ans plus tard pour "Les grands ducs".Philippe Noiret restitue magnifiquement le caractère à la fois débonnaire,veule et velléitaire de ce souverain par intérim,et Jean Rochefort se coule idéalement dans l'ironie féroce et la saloperie assumée de Dubois,sorte d'héritier dégénéré de Richelieu et Mazarin.Quant à Jean-Pierre Marielle,sa puissance et sa prestance transcendent merveilleusement le personnage de Pontcallec,genre de Don Quichotte se lançant éperdument dans une cause perdue qu'il est pratiquement seul à porter.Le reste de la distribution ne dépare pas avec de jolies gourgandines interprétées par Christine Pascal,Marina Vlady,Nicole Garcia et Monique Lejeune.Le vieil Alfred Adam était encore là et se montre fort réjouissant en militaire incompétent précepteur du jeune Louis XV,Gérard Desarthe imprime grave la pelloche en duc de Bourbon,et on croise aussi les trognes de Jean-Roger Caussimon,Hélène Vincent,Michel Beaune,Stéphane Bouy,Daniel Duval,François Dyrek,Jean-Paul Farré,et tous les mecs du Splendid ,alors inconnus,font de petites apparitions,Michel Blanc,Christian Clavier et Gérard Jugnot jouant des valets,le plus en valeur étant Thierry Lhermitte qui apparait fugitivement mais de manière saisissante en noble assassin.

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le 3 mars 2021

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