Un sujet assez contemporain pour un film de 1982.
On peut y voir une critique facile du patronat qui, on peut l'imaginer, était dans l'air du temps au début des années Mitterrand. On peut également y voir une description assez visionnaire (est-ce volontaire ?) pour l'époque, de la tertiarisation du monde du travail.
En effet, on voit ici une entreprise du secteur de l'assurance où le patron invite les employés dans sa maison de campagne, un week-end sur leur temps de repos pour déterminer lesquels vont être licenciés.
Jean Poiret est formidable dans ce rôle de patron cynique, machiavélique et pervers. Un mégalomane qui a recours à tout un tas d'humiliations envers ses employés pour tester leur soumission. Il n'hésite d'ailleurs pas à instrumentaliser les charmes de ses filles. Il en deviendrait même inquiétant. Il n'est néanmoins pas très courageux car les rares fois où certains osent élever la voix contre lui, il devient moins intimidant. Il est au final dominé par sa femme, une glaciale Marie Lafôret.
Les employés n'échappent pas à la critique car la tyrannie du patron ne peut s'exercer que grâce à leur lâcheté, leur hypocrisie et leur déloyauté envers leurs semblables. En effet, ce patron n'a face à lui que des hommes ayant perdu toute colonne vertébrale et ayant un comportement assez moutonnier et servile.
Daniel Auteuil campe un personnage assez pathétique dès le départ, donc assez docile avec ses supérieurs et ne prenant pas de gants avec ses semblables. Indigné quand il apprend la raison du week-end, il se fera acheter à bas prix son silence.
Le personnage de Michel Piccoli est assez amusant en raté, mais il semble être un électron libre de cette pièce ; bien qu'étant aussi cynique que le patron à vouloir prendre une revanche sur la vie à travers son filleul.
Le tout se termine avec un sordide jeu de chaises musicales mis en scène par Jean Poiret, où chacun sera prêt à marcher sur l'autre pour garder sa place. On se demande presque à ce moment, jusqu'où ils auraient été prêts à aller.
Le fond est vraiment d'une grande richesse et ce film aurait pu avoir une autre envergure. Malheureusement, cela manque vraiment de rythme et il y a quelques passages assez longs. Un tel sujet aurait peut-être mérité un réalisateur plus chevronné. En effet, Denys Granier-Deferre est encore très jeune à l'époque et il s'agit de sa première réalisation. La musique est sympathique au début mais un peu sur-employée à la longue.
Son film oscille entre la comédie (sans que cela ne soit très drôle), le drame et la satire. Au final, on ne sait pas trop sur quel pied danser. C'est dommage parce qu'entre le scénario et le talent des acteurs, Jean Poiret en tête, il y avait un potentiel énorme.
Dans le genre sur la perte de sens de l'homme moderne, ce sujet pouvait préfigurer un Fight Club, où ce type d'individu soumis dans un travail avilissant, s'oriente vers la révolte. Pour cela, il fallait un parti-pris plus assumé dans la réalisation.