Le Cinéma de Peter Greenaway dans toute sa splendeur : d'une sophistication mêlant le bon goût à la vulgarité, le sublime au grotesque, le déchaînement esthétique du cinéaste gallois atteint ici un jusqu'au-boutisme particulièrement généreux et alléchant. Provocateur en diable Greenaway signe avec Que Viva Eisenstein ! une oeuvre outrancière à l'apparat visuel totalement prononcé, pompeuse et délicieusement indécente.
Fiction documentaire absolument saisissante et déconcertante cet hommage ambigu au célèbre auteur d'Octobre et du Cuirassé Potemkine n'y va décidément pas avec le dos de la cuillère quant à la stylistique et l'obscénité. Volontairement surchargé, drapé dans une trivialité léchée, le film nous entraîne au coeur d'un court moment de l'existence de S.M. Eisenstein, moment s'étalant sur une dizaine de jours : la période du tournage de son célèbre film maudit Que Viva Mexico, projet délirant ayant pour tâche de retracer toute l'Histoire du Mexique au gré d'un montage d'images proprement faramineux, suite de photogrammes répartis sur plus de 70 000 mètres de pellicule ! Faux biopic le dernier film de Peter Greenaway expérimente énormément sur le découpage et l'articulation des plans, rendant à sa manière gloire aux théories redoutablement complexes du maître russe : split-screens, insertions d'archives, extraits des oeuvres originales... C'est un morceau de cinéma iconoclaste et débridé que nous livre là Greenaway, le réalisateur poursuivant la démarche artistique entreprise dans le terrible et très ampoulé Goltzius.
Une fois encore Greenaway s'attarde sur une sexualité torturée, celle d'un génie révolutionnaire dans la force de l'âge de ses 33 ans encore vierge au commencement du métrage. Les séquences sexuelles explicites, à la fois froides, distanciées et magnifiquement filmées sont d'une certaine façon le point névralgique du film ; d'autre part l'expérience du tournage fait ici figure de véritable quête initiatique pour Eisenstein, sa charge de travail démesurée se trouvant parfaitement retranscrite par le faste de la réalisation de Peter Greenaway. C'est tour à tour indigeste et savoureux, hétéroclite et osé...
Malgré cette surenchère permanente et cette volonté sacrilège de démythifier la figure de Sergueï Eisenstein l'ensemble parvient toutefois à conserver le respect de son Sujet. Rendant finalement compte d'une année charnière dans la carrière du réalisateur russe ce Que Viva Eisenstein ! demeure digne d'intérêts cinématographiques. Recommandable pour qui aime l'exigence et les expériences déviantes.