Queen of Earth est un film marquant parce qu'il permet de retrouver la magie un peu sauvage de certains films des années 70.
Les deux actrices sont fascinantes, tantôt belles tantôt laides, suivant l'oscillation comportementale de leur personnage, tantôt gentilles et tantôt antipathiques l'une envers l'autre,les bons moments de l'une concordant avec les sautes d'humeur de l'autre. Le montage ajoute encore au chaos émotionnel, autant à l'échelle du récit en nous baladant d'un été à un autre (c'est-à-dire ici d'un mal-être à un autre), qu'à l'échelle de la séquence en opérant des coupes brutales, le paroxysme étant cette transition mémorablement brutale du visage distordu par l'éclatement en sanglot de Katherine Waterston à la fin d'un rire de Elisabeth Moss, en un autre temps, en un autre lieu mais rendu cruel par la quasi-superposition.
La caméra analogique nous donne à voir un grain et des couleurs un peu baveuses qu'on croyait perdus et des références cinématographiques viennent constamment à l'esprit pendant la projection. On pense à La dernière maison sur la gauche, à cause de la maison de campagne entre la forêt et l'étang mais aussi parce que la musique est très angoissante. Pour le mal-être, pour l'extrême fraîcheur et vitalité du jeu d'actrice, pour l'image encore, on pense à Gena Rowlands dans les films de Cassavetes. Pour l'image toujours et pour ce montage "retrouvé", ce montage signifiant, violent et subliminale c'est l'émotion suscitée par "Walkabout", le chef-d'oeuvre de Nicolas Roeg, qui revit en nous.