Queen of Montreuil par pierreAfeu
Voilà un chouette film ! À première vue burlesque et sans conséquence, Queen of Montreuil s'impose très vite comme une œuvre délicate et mélancolique sur le deuil et les racines.
Adoptant la tonalité du réalisme poétique tout en lorgnant vers l'absurde, le film de Solveig Anspach est davantage à rapprocher du cinéma existentiel de Kaurismäki, que du burlesque factuel du trio Abel/Gordon/Romy. Car ici les personnages sont de chair et de sang, fragiles et emportés, généreux, aimants, aimables. À l'écoute les uns des autres, ils nous réconfortent en nous rappelant que l'être humain peut aussi (encore) être bon.
Subtilement rythmé, démarrant sur un mode mineur et gentiment loufoque (Agathe hébétée trimbalant l'urne de feu son mari), Queen of Montreuil s'épaissit et gagne en profondeur au fur et à mesure qu'il avance, comme se nourrissant de ses personnages, se rechargeant à l'énergie d'un récit dont la course lente conduit à la lumière. Mouvement syncopé mêlant humour quotidien, poésie urbaine et non-sens assumé, l'histoire d'Agathe nous la rend chaque séquence plus fragile, plus forte, plus attachante.
Portant le film sur des épaules beaucoup moins frêles qu'il y parait, se redressant alors qu'elle semblait perdre pied, se perdant à nouveau, réagissant toujours en décalé, Florence Loiret-Caille impose une présence cinématographique presque hors cadre, vibrante, silencieuse et mouvementée. À ces côtés, d'excellents seconds rôles, parmi lesquels le lunaire Samir Guesmi (bien meilleur ici que dans Camille redouble), la lumineuse Sophie Quinton et l'attachant couple mère-fils islandais, Didda Jonsdottir et Ulfur Aegisson.
Si Queen of Montreuil se classe dans la catégorie "films confidentiels", on aurait bien tort de se priver de sa fraîcheur, de sa justesse et de sa profondeur. Ce cinéma bricolé, un peu baba-cool, plein de bons sentiments mais toujours lucide, ne peut nous apporter que du bon.
Et puis, les phoques, c'est sympa.