"L'identité, c'est compliqué."
On connaissait Monia Chokri pour sa verve, sa grimace au Festival de Cannes, ses tenues « légèrement anachroniques » et l'amour qu'elle inspirait à celui qui l'a révélée, Xavier Dolan. La voici réalisatrice de son premier court-métrage, Quelqu'un d'extraordinaire, diffusé sur Arte cette semaine, et dont le montage est l'oeuvre de Dolan, himself, parce qu'il n'est jamais bien loin.
Il s'agit de Sarah, une trentenaire à l'allure d'adolescente avec son t-shirt informe, se réveillant dans un lit qui n'est pas le sien, les yeux cernés de noir, au lendemain d'une soirée dont elle n'a aucun souvenir. Et il se trouve qu'elle a passé la nuit dans la banlieue de Montréal, avec un mineur, parti de bon matin au lycée. S'ensuit un mouvement de panique, et une véritable expérience de non-sens lorsque la mère dudit garçon fait son apparition, lui parle de son homonyme, une célèbre cosmonaute, et ne semble presque pas s'étonner de la présence d'une inconnue chez elle. Puis Sarah la rescapée, subissant les invectives de son amie venue la chercher. L'amie en question se rend à un enterrement de vie de jeune fille à Montréal et y amène Sarah, portant toujours son t-shirt informe, faisant la triste mine. Puis vient la fatidique soirée, la soirée de trop, celle qui ne peut mener qu'à l'explosion. L'héroïne, somme toute assez ordinaire jusque là bien qu'attachante, va se révéler.
C'est dans cet appartement que se réunissent les « girls » qui n'en finissent plus de piailler, de siroter un « dirty martini », de raconter des inepties à propos de tout et n'importe quoi, mais surtout à propos de l'amour, suivant à la lettre les règles d'un enterrement de vie de jeune fille. Et c'est là que Sarah en vient à être interrogée sur son sujet de doctorat, « l'identité, c'est un peu compliqué », en face d'elle l'air hébété d'une petite blonde. Mais voilà, Sarah, dont le geste en lui-même est gratuit, annonce à Justine, l'hôte, que son futur mari la trompe. Scandale, les portes claquent, les girls sont dans tous leurs états. Sarah, l'air hagard et égaré, décide de tout envoyer valser par des déclarations fracassantes, des injures proférées à l'encontre de toute la petite bande qui lui reproche son sentiment de supériorité, parce que si la jeune femme veut jouer carte sur table, ce n'est pas tant par souci d'honnêteté vis-à-vis de Justine, que pour détruire quelque chose. La scène, portée par quelques visages connus que l'on retrouve chez Dolan, ne frise jamais le ridicule, ou ne fait que mettre en valeur celui des girls et de l'acte vain, idiot de Sarah. Enfin Sarah s'en va, retrouve sa chambre engloutie par la neige. Il y a un message sur son répondeur : la mère du jeune garçon. Voilà la clé. Peu importe les événements de la nuit passée, la crise de la trentaine expliquant ceci et cela, la scène rocambolesque de l'enterrement de vie de jeune fille, Sarah a su dire quelque chose à quelqu'un et cela ferait presque d'elle, quelqu'un d'extraordinaire.
L'identité c'est un peu compliqué, que ce soit à seize ou à trente ans, c'est la seule chose que Monia Chokri cherche à montrer, sans pathos, sans grands discours, mais juste à travers un pathétique lendemain de soirée arrosée. Et c'est déjà pas mal tout de même.