Très étrange en réalité ce film. Visant à sensibiliser le spectateur à la cause kurde, mais en utilisant les codes du polar. Très improbable mélange des genres, mais on ne peut que rendre hommage au réalisateur pour sa prise de risque : qui n'essaie rien n'a rien. Et en tout cas, ça tranche d'avec ces films pré-formatés pour avoir du succès en salle. Celui-là n'en aura sans doute pas énormément, car malgré d'indéniables qualités, ce n'est pas une réussite absolue, en tout cas loin d'être à la hauteur de ce formidable western kurde, également d'Hiner Saleem, qu'est "My sweet peperland". Cela étant, la salle dans laquelle je l'ai vu, un dimanche après-midi à 15h30 était très loin d'être vide...
Ici, le titre laisse entendre une énigme policière à la manière d'Agatha Christie, mais il faut bien entendre que c'est loin d'être le cas. Et à vrai dire, les rebondissements finaux sont quelque peu poussifs. Non, spectateur, tu ne verras pas le crime de l'orient-express, ne te fais pas d'illusion. En outre, le début est plutôt lent et l'intrigue (policière) tarde vraiment à se mettre en place. Alors, oui, l'enquêteur porte l'imper de l'inspecteur Colombo, en moins pourri quand même, mais on reste, là aussi, au niveau du clin d'œil et ça ne va guère plus loin. De fait, le côté enquête policière du film me semble avant tout être prétexte à force sarcasmes et moments d'ironie envers la police turque. Avec nombres de scènes comiques, quoique rarement hilarantes, ridiculisant l'institution policière turque. Je ne les dévoile pas ici, mais il y en une ou deux qui sont très réussies.
Car ce film prend de la force, et même de l'émotion, lorsque la question kurde surgit tout un coup, c'est à dire vers la fin. Ne nous y trompons, Guédiguian est l'un des producteurs du film et on sait que sa famille politique n'est jamais avare de soutien envers le peuple kurde. Et pour Guédiguian, il y a sans doute en plus, un ennemi commun, la Turquie. Toujours est-il, qu'au fur et à mesure que l'enquête avance, se dessine une peinture sociale assez féroce de la société turque, et non plus seulement de sa police. Enfin, tout cela nous donne une fin assez réussie, qui justifie en définitive - avec la prise de risque du réalisateur et, avouons-le, mon empathie envers les peuples opprimés - la note que j'ai décernée à ce film. Même si le mélange, osé, des genres tend à rendre l'ensemble parfois un peu bancal.