Noyaux instables
Radioactive ose esthétiser le biopic, irradier en quelque sorte le biographique d’une inventivité formelle composée de filtres colorés, de plans étrangement cadrés, d’une musique mi classique mi...
le 2 mai 2020
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Lorsqu'on y pense, quelle anomalie que l'une de nos plus grandes gloires nationales n'ait jamais eu droit à un vrai beau biopic digne de ce nom ! Parmi les plus connus, il y a bien eu un film avec Greer Garson en 1943, un court-métrage de Georges Franju en 1953, une adaptation de pièce de théâtre avec Isabelle Huppert, un téléfilm avec Dominique Reymond, et donc « Radioactive » qui, loin de démériter, ne sera clairement pas le titre-événement que la chimiste aurait mérité. On sent que le budget n'est pas illimité : cela a beau être relativement soigné, les décors manquent de grandeur et la reconstitution, notamment concernant les extérieurs, un peu limitée.
Si l'on comprend l'attirance de Marjane Satrapi pour ce (beau) projet (en langue anglaise!), il était par ailleurs évident qu'il lui serait quasiment impossible de signer un travail résolument personnel, le propos s'avérant un peu démonstratif (et pesant si, comme moi, vos connaissances en physique-chimie sont en-dessous de zéro) et le rythme laborieux à certains moments. Quant à Rosamund Pike (beaucoup plus belle que la vraie, comme souvent), elle signe une prestation honorable (dont une ou deux scènes vraiment très bien jouées), sans jamais apparaître comme « l'évidence » pour le rôle.
Pas d'enthousiasme, donc, mais des éclaircissements bienvenus : sans aller forcément en profondeur, au moins « Radioactive » nous permet de mieux connaître le travail de Marie Curie et son époux Pierre (dont j'ignorais complètement les circonstances exactes de la mort!), mais surtout, l'œuvre évite très intelligemment l'écueil de la « femme idéalisée », exemplaire pour chacun.
Caractère difficile, sans concession, légèrement asociale voire un peu cassante, refusant un temps de s'engager aux côtés des blessés durant la Guerre :
la réalisatrice en fait une héroïne complexe, incomprise, parfois légèrement ambiguë et très en avance sur son temps à une époque où le patriarcat est encore presque tout-puissant. Ainsi,
la haine aussi bien vis-à-vis de ses origines juives que sa relation avec un homme marié (après la mort de son époux, précisons!)
sont évoqués sans fard, accentuant son statut de protagoniste forte, n'ayant pas peur de l'adversité.
Enfin, bien que souvent intégrées malhabilement et un peu « cheap » dans leur représentation, aborder l'importance du radium à travers plusieurs événements futurs, positifs comme (très) négatifs, permet de se donner une idée de l'importance des travaux du couple, « même » lorsqu'utilisés à mauvais escient. Le biopic de référence sur la plus grande scientifique française attendra. D'ici là, celui-ci peut servir d'intermédiaire convenable, non sans (grandes) limites, mais pouvant compter sur quelques qualités inhabituelles du genre pour être fréquentable.
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Créée
le 15 juil. 2020
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