« Rafiki » de la réalisatrice Wanuri Kahiu est souvent réduit par ces caractéristiques extérieures : premier film kenyan sélectionné dans un festival, long métrage réalisé par une femme sur la condition des homosexuelles en Afrique de l’Est, film sorti à Cannes mais censuré dans son pays.
Toutes ces informations sont certes intéressantes mais ne disent absolument rien du film. Car « Rafiki » est bien plus qu’un film à festival.
Wanuri Kahiu nous raconte ici une histoire d’amour puissante et universelle prise au piège dans les normes sociales et conventions d’un pays et d’une époque. Avec sensibilité et retenu, « Rafiki » nous montre la naissance d’un amour presque enfantin entre deux jeunes filles qui progressivement se rendent compte que leurs sentiments ne pourront s’épanouir face aux fils invisibles de la famille, de l’Eglise, de la politique et de la société.
Porté par des acteurs excellents, « Rafiki » frappe par l’énergie de sa mise en scène, tout en couleurs éclatantes et acidulées, en décors urbains à la fois aériens et étouffants les personnages (les hautes tours de la banlieue de Nairobi, le down town lointain au dessus duquel rôde toujours un hélicoptère omniscient). Mais là où « Rafiki » aurait pu être un film coup de poing avec des images chocs et une violence explicite, le film tire toute sa force dans une forme de retenue, de sensibilité faisant confiance à l’intelligence du spectateur et évitant de tomber dans la caricature (aucun manichéisme dans le traitement des personnages).
Après « Mustang » et « Diamond Island », « Rafiki » rejoint cette lignée de films réalisés par de jeunes réalisateurs souhaitant nous offrir un regard nouveau, rafraîchissant mais lucide sur des sociétés que nous ne connaissons que trop peu (Turquie, Cambodge, Kenya). Une démonstration supplémentaire de l’universalité du cinéma.