N'y a-t-il jamais eu plus belle séquence d'ouverture au cinéma ? Au ralenti et en noir et blanc, un boxeur s'échauffe avant un combat dans des mouvements d'une rare élégance accompagné par la musique élégiaque de Pietro Mascagni. Images filmées du point de vue de leur disparition créant un sentiment diffus de mélancolie qui persistera tout au long de la projection.

Biopic retraçant une partie de la vie de Jake La Motta, boxeur middleweight originaire du Bronx, "Raging Bull" sort en 1980. Martin Scorsese n'a eu de cesse, à partir de "Mean Streets" en 1973 de dépeindre des personnages évoluant au sein d'une communauté autharcique, Little Italy souvent, quartier New-Yorkais dont le cinéaste est lui-même issu. L'Amérique, en tant que peuple et nation, semblent alors exclue de ces micro-sociétés, les personnages n'y faisant peu ou prou référence si ce n'est par la phrase ; "this is a free country" répétée à de nombreuses reprises au cours du film. Autrement dit, la nation se définit avant tout par la liberté individuelle qu'elle procure, ce que recherche en premier lieu les personnages. À bien des égards, la grande forme du récit scorsesien, qui connaîtra ses lettres de noblesses avec "Casino" ou encore "Goodfellas", naît avec "Raging Bull". Via une structure de récit pyramidale, les films du cinéaste racontent souvent l'histoire d'une chute programmée ou comment une machinerie parfaitement huilée s'enraye avant son dysfonctionnement total.

Jake La Motta est, à cet égard, son propre dysfonctionnement. Tout en étant le boxeur le plus talentueux de son époque, écrasant chacun de ses adversaires avec une vigueur sans pareille, une force toute aussi intense le pousse à brûler ses chances de réussite.

La violence qu'il emploi sur le ring n'est que le prolongement de la violence domestique, quotidien du personnage. Chez Scorsese, cette dernière n'est pas employée afin de résoudre une problématique, à l'instar d'un film classique, mais est consubstantielle au personnage. Ce que le public désire, violence et spectacle, est pris au pied de la lettre, devenant une pathologie pour ce dernier, précurseur de sa propre chute.

Sordi
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le 16 juin 2024

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