Ragtime est une superbe fresque hollywoodienne, de plus de 2h30, de l’Amérique au début du XXe siècle. Film choral, nous sommes un peu perdus au début, en suivant plusieurs personnages et en ne comprenant pas bien où cela nous emmène. Nous naviguons ainsi à travers une Amérique multiculturelle, et à travers divers milieux : la bourgeoisie, le quartier juif de New-York, le monde du spectacle, la population noire.
Au bout d’une heure, l’histoire se concentre sur Coalhouse Walker victime de racisme et délaisse les autres personnages. Ce musicien, afro-américain, a réussi à se faire quelques économies et à s’acheter une belle Ford qui, à l’époque, sortait des usines au rythme d'une par minute ! Symbole de richesse, de réussite sociale, une bande de pompiers blancs totalement idiots, n’acceptent pas de voir un noir au volant de ce bijou à moteur. Ils lui bloquent la route puis souillent le véhicule avant de l’endommager.
A partir de là, les choses s’enchaînent Walker n’a qu’une idée en tête, obtenir réparation et pour lui cela prend la forme de la restitution de son véhicule nettoyé en bonne et due forme par le meneur de la bande qui l’a souillé. Dans cette course à la réparation, Walker va perdre sa fiancée qui mourra en l’épaulant dans son combat, son enfant qu’il ne reverra plus et finalement sa cause. La justice blanche est défaillante et elle n’est clairement pas du côté des noirs qui n’ont pas d’autres choix que de s’écraser s’ils veulent rester en vie.
Face à l’engrenage des événements nous sommes forcés de prendre position. Soit en soutenant Walker dans ses revendications et en disant : « surtout, ne baisse pas les bras, va jusqu’au bout, ce que tu demandes c’est un symbole et tu défends ainsi les afro-américains réduits au silence ». Soit on lui dira : « laisse tomber, ça va trop loin, ça ne vaut pas le coup de se mettre en danger pour ça » ou bien on tiendra le discours du pardon et du renoncement à la vengeance. Toutes ses attitudes sont présentes à travers l’un ou l’autre personnage blanc ou noir.
Parmi les nombreux personnages qui forment ce récit, il y en a un qui tire son épingle du jeu. Et ce personnage m’a touchée car au début, il est terne. C’est un bourgeois qui ne veut pas d’histoire, bien planqué, bien installé. De ce personnage, joué par James Olson, on ne saura jamais le nom. Cet homme qui ne brille pas par sa personnalité, ni par ses idéaux est finalement celui qui comprend le mieux Walker, et qui s’engage de manière humble pour lui. Comme Walker, il sera trahi…
Il faut souligner dans cette histoire, la performance des acteurs qui est excellente. Elizabeth McGovern crève l’écran ainsi que Mary Steenburgen. Samuel L. Jackson fait là l’une de ses premières apparitions au cinéma dans un rôle secondaire. Mais il faudrait tous les citer. Je ne cite qu’un dernier nom, un grand : James Cagney ! Quel plaisir de le voir de retour au cinéma après 20 ans d’absence. Il est toujours aussi charismatique.
Ragtime peint avec succès une Amérique injuste face aux personnes de « couleurs » et diverse à travers sa population. Bien que bancal dans la présentation de ses personnages, ce qui est probablement lié aux tensions lors du montage entre le réalisateur Miloš Forman et le producteur Dino de Laurentiis, c’est un film qui mérite d’être vu.