Maillon important dans la carrière de Sylvester Stallone, First Blood partage avec l'autre élément essentiel du mythe Sly, Rocky, une même méprise. Les personnages fictifs de Rocky Balboa et de John Rambo restent aujourd'hui encore incompris, la faute aux succès de suites détournant sans vergogne la sincérité des débuts et un propos bien plus ambigüe.
Alors que la figure reaganienne et va t'en guerre de John Rambo s'impose immédiatement dans la mémoire collective, le personnage fut à l'origine bien différent, à l'instar d'un Rocky Balboa qui n'avait rien d'un winner imbattable avant le troisième volet. Tiré du roman de David Morell, ancien professeur ayant vu les ravages qu'avait causé la guerre sur ses élèves, First Blood est avant tout un regard amer sur l'après Vietnam et le retour au pays des soldats américains.
Le film de Ted Kotcheff dresse ainsi le portrait peu reluisant d'un gouvernement fabriquant à la pelle de la chaire à canon, transformant ses citoyens en machines de guerre incapables de s'adapter à la vie civile, et dont le seul salut réside ironiquement dans un engagement indéterminé. Une façon bien commode de garder près de soit des soldats ne sachant de toute façon rien faire d'autre que tuer et servir le drapeau.
Personnage tragique et psychologiquement instable, John Rambo, merveilleusement incarné par un Sylvester Stallone trouvant un de ses plus beaux rôles suite à la défection d'autres comédiens tels que Dustin Hoffman ou Steve McQueen, incarne à lui seul tout le drame vécu par les appelés revenus au pays. Meurtris, désabusés et complètement fracassés de l'intérieur, devenus des parias au regard d'un pays refusant de reconnaître sa responsabilité et surtout, préférant oublier une défaite encore douloureuse. Ces hommes ont donné leur sang, leur vie, leurs camarades et leur santé pour la nation. Cette dernière, en retour, leur offre son dédain et une voie sans issue.
Charge féroce contre l'Amérique et ses représentants, qu'il s'agisse du gouvernement, de l'armée ou de la police, First Blood est également un sacré spectacle. Un survival prenant et palpitant, concis, spectaculaire et mené de main de maître par Ted Kotcheff, l'affrontement musclé et inoubliable entre les fantômes du passé et une autorité abusive incarnée avec brio par Brian Dennehy.
Tout à la fois brûlot, survival et relecture contemporaine du mythe de Frankenstein, First Blood est un classique du cinéma des 80's à réhabiliter sans attendre, bien loin du patriotisme puant qui animera ses suites et qui lui colle injustement à la peau. Un film d'action grandiose porté par une mise en scène au cordeau, par une interprétation sans faille et par la partition inoubliable de Jerry Goldsmith.