Je viens de redécouvrir Rambo First Blood au cinéma dans une version restaurée. Autant dire que ce nouveau visionnage, des années après la première fois où je l'ai vu (assez jeune), n'a pas été sans me laisser une certaine admiration vis à vis de cette œuvre et de ce qu'elle porte. Sorti en 1982, soit 8 ans après la Guerre du Vietnam, le film réussit le tour de force de parler de cette guerre en ne la montrant pas ou très peu et en plaçant le décor au cœur des États-Unis. A des années lumières des suites (que je me referai quand même à l'occasion aussi histoire de voir si mon regard dessus peut évoluer...) qui s'éloigneront complètement de la richesse du film pour ne les orienter que sur l'action, toujours plus absurde et grotesque, Rambo parle avant tout d'un homme qui semble ne pas aimer la guerre. A ce titre, je le mettrais volontiers en comparaison avec l'Hector de La Guerre de Troie n'aura pas lieu de Jean Giraudoux, pièce de théâtre du 20ème siècle. Et plus j'y réfléchis et plus les deux personnages me semblent proches. Hector est un homme qui, dans cette pièce, s'affirme comme un homme pacifiste, il se positionne ouvertement contre la guerre. Mais d'un autre côté, quand il parle de la guerre, il ne la décrit que de façon très positive, comme un endroit où il se sent bien, vivant, loin de la routine qu'impose la paix qui est au final un genre de prison. Et d'un autre côté, la pièce de Giraudoux s'interroge sur où commence la paix et où commence la guerre ? Où est la limite ? Puisque ce qu'il constate, au final, c'est que quand la guerre n'a pas lieu entre nations, elle a lieu dans la famille, ou en tout cas en interne dans le pays. La guerre n'est en fait pas l'opposé de la paix mais son prolongement et inversement. La paix est un état de guerre. Cette pièce est à bien des égards intéressante et si on lit Rambo avec ce que je viens de dire, les parallèles se font tout seul (je pense). Rambo est en quelque sorte un homme qui ne veut pas tuer, d'ailleurs il ne veut pas tuer ces mecs de la police qui le traquent. En soi, il veut juste qu'on le laisse tranquille. En un sens, il sait que la guerre « c'est mal », pour le dire de façon très triviale. Pourtant, quand il en parle, notamment à la fin avec son colonel, il en ressort des choses positives : il avait des amis et un but. Et le film est bourré d’ambiguïtés de ce genre. Je pense qu'on peut le lire à différents niveaux.
D'ailleurs, une autre de mes lectures repose des concepts psychanalytiques. En effet, je retrouve quelque chose des instances de Freud que sont le Ça, le Surmoi et le Moi dans Rambo. Il y a en effet dans le personnage de Rambo quelque chose qui relève de l'inconscient, du pulsionnel. Il est un personnage qui représente la Guerre du Vietnam, une guerre honteuse pour de nombreux américains et qui, comme la Guerre d'Algérie pour nous, aura du mal a être acceptée, on ne la nommera que très peu. Donc cette guerre est en quelque sorte enfouie, refoulée. Le personnage de Rambo l'incarne et va l'amener face au monde, la présenter, ne serait-ce que par son apparence. D'ailleurs le shérif Will Teasle va directement le remarquer avec son allure et sa veste avec le drapeau américain cousu dessus. En parlant de shérif, je vois en la police quelque chose qui relèverait du Surmoi. Ils essayent en effet de se mettre entre la population et Rambo, ce fantôme du Vietnam. Les flics représentent donc l'instance protectrice contre ce souvenir. Et le Moi ? Ce serait les gens de la ville où se passe le film (même si on ne voit que très peu de personnages autres que ceux qui nous intéressent), les américains, et les spectateurs en général. Et ce refoulé représenté par Rambo, tout d'abord quelque peu maîtrisé, silencieux, va finir par exploser, comme toute pulsion, de façon spectaculaire à la fin. Des explosions, des tirs continus à la mitrailleuse, une violence décuplée. Le dernier cri d'une guerre qui au final ne s'est jamais finie et résonne encore...
Pour conclure, il y a énormément à dire sur ce premier film Rambo. Décrédibilisé par ses suites, le film original a pourtant tellement à offrir sur de nombreux points. Il est riche et son ambiguïté permet d'amener à se poser des questions fondamentales. Bref, un film que je conseille, ne serait-ce que pour les quelques moments de tendresse qu'il offre comme cette introduction mélancolique aux airs de road movie/western et cette fin explosive mais en même temps tellement touchante avec cet homme qui, malgré les clichés qu'on lui a attribués, est capable de déclencher une sympathie immédiate tant la sincérité est palpable. Bref, si les clichés à propos de cette saga vous effraient, n'ayez pas peur de regarder le premier Rambo.