"Ran" est la transposition fidèle du Roi Lear dans le Japon tribal d'un siècle incertain. Si les personnages sont évidemment d'une autre nature et d'une autre expression, l'histoire et les thèmes de Lear -ingratitude des enfant,s prompts à se libérer de la domination paternelle, entêtement sénile d'un vieillard- sont bien présents. A la différence de Shakespeare qui éludait les batailles pour une violence essentiellement verbale, Akira Kurozawa reconstitue les combats qui opposent les factions rivales.
Ces séquences d'action sont des moments spectaculaires, sanglants et haineux, qui participent d'une chorégraphie de la violence et de la couleur, et qui témoignent d'une rigoureuse et flamboyante approche artistique.
Malheureusement, l'adaptation dramaturgique s'adosse à des scènes longues et figées où l'exotisme japonais m'a semblé atténuer la fougue shakespearienne. La lenteur du récit et la faiblesse des seconds rôles donnent un tour artificiel au drame originel. Le caractère violent et schématique des personnages, qui se justifie dans la concision théâtral et le style tragique de Shakespeare, s'appauvrit hors des textes de ce dernier. Ainsi, si l'oeil est séduit par le formalisme de Kurozawa, mon esprit s'est lassé de ces personnages d'estampes, tout juste folkloriques.