Rapports préfabriqués par Alligator
Très vite, on rentre dans le lard du sujet : un couple se sépare. Dans un noir et blanc très sombre -je ne sais si c'est ma vieille téloche ou l'édition ou la compression qui déconne... plus sûrement une option cinématographique du cinéaste- Béla Tarr pose le spectateur dans le fauteuil du témoin. Témoins nous sommes de petites scénettes en flash-back des petites crises qui éclatent avant la rupture totale. Explosions qui évoquent Cassavetes, j'ai pensé à ce cinéma tout de suite : la caméra est proche des protagonistes, ils se parlent beaucoup, se crient dessus, cherchent, peinent, pleurent, se regardent... Elle déplore beaucoup, lui semble déjà construire son départ sans s'y résigner. Tout fait défaut à ce couple qui a perdu quelque chose en route. Elle ne le voit pas. Lui non plus. Nous voyons tout.
La réalisation frôle le documentaire par moments. Le bal notamment parait avoir été tourné dans une vraie soirée. Les visages respirent l'autthenticité.
Les comédiens sont tout simplement formidables. Ce Robert Koltai, je le connaissais déjà l'ayant découvert récemment dans l'Egészséges erotika de Timar, mais j'ai la nette conviction que je re-découvre effectivement, puisqu'ici on change totalement de registre, à l'évidence. Tout en justesse, à l'économie, loin du délire comique du film de Timar.
Elle, Judit Pogány m'a époustouflé. Les longs plans dont est friand Tarr sur ce film permettent de prendre la mesure de cette comédienne, de son sens du rythme, de son haletante prestation.
La longueur de certains plans est on ne peut plus justifiée. C'est en grande partie ces longueurs qui reflètent la lente érosion des sentiments de ce couple. C'est finement observé, finement écrit, soit finement filmé.
Un court mais bon film.