Rapports préfabriqués

Une œuvre intéressante, c'est sûr, mais inaboutie, en tout cas avec les yeux de 2024. On suit le déchirement d'un couple, à travers divers flash-backs montrant les tenants et aboutissants de cette séparation. La narration est de faite plutôt intéressante. La technique l'est aussi, avec l'utilisation de plans séquences notamment, créant une atmosphère peu à peu étouffante, comme une routine écrasante, un peu comme l'état du couple. On a également des choix de musique intéressants. Ca swingue notamment pas mal lorsqu'ils vont danser. Les acteurs sont également pas mauvais du tout, la performance la plus explosive est évidemment celle de la femme, et elle le joue bien, mais le mari, dans un rôle différent, plus posé, est peut-être encore plus intéressant dans son jeu.

Néanmoins, le propos du film me semble léger. Ou mal fait. Soit le film dénonce rien du tout, auquel cas on voit juste un couple se déchirer et on a une sorte de Marriage Story hongrois avant l'heure. Soit le film, qui aborde la question somme toute moderne qu'est la charge mentale avec cette femme qui doit gérer quasi seule les enfants et d'autres tâches en tout genre, dénonce le comportement passif des hommes dans la construction classique du couple, mais... si c'est le cas, ça le fait assez mal, car dans le film, dans la façon dont on nous présente les choses, la femme n'est pas nécessairement montrée comme celle qui a raison. Peut-être est-ce pour apporter du manichéisme dans le film, mais ça ne fonctionne plus trop. Soit le film utilise tout ça comme prétexte pour parler de socialisme. Mais... ça paraît un peu forcé, en réalité. Oui, on a peut-être eu la meilleure présentation concise du socialisme, communisme, capitalisme et impérialisme au travers d'un quasi-monologue (l'interlocuteur étant un pauvre enfant qui a rien demandé), mais... ça fait pas tellement naturel.

Une technique irréprochable, une narration intéressante, mais un propos flou et pas forcément naturel. Après tout, ce n'est qu'un des premiers films de Bela Tarr, il est plutôt normal que son travail se peaufine que plus tard. Mais intéressant, en tout cas.