Comme un film d'horreur, la troisième oeuvre du Hongrois Bela Tarr nous dépeint la lente mais inévitable déliquescence d'un couple malheureux depuis déjà très longtemps. La première scène montre toutes ces familles apparemment sereines et appréciant la musique jouée au-dehors, alors que lorsque l'on pénètre dans ces appartements "préfabriqués" - où vivent à l'époque la grande majorité des gens, ni pauvres ni riches, normaux quoi - c'est un tout autre monde.
C'est sans fioritures que Tarr filme un ménage en proie aux sempiternels problèmes entre mari et femme : le mari est trop absent, ne s'occupe pas des enfants ou autres tâches ménagères, tandis que la femme lui rappelle constamment tout cela, même pendant une soirée censée être spéciale. Bref, rien de nouveau dans le propos, mais l'exécution parfaitement maîtrisée derrière la caméra renforce le message du film, qui montre l'impasse dans laquelle rentrent ces multiples gens qui ont des étoiles dans les yeux avant de se marier mais réalisent que la réalité est beaucoup moins tendre que leurs rêves d'adolescence.
Le réalisateur s'attarde longuement sur les visages des personnages, renforçant l'impuissance de la femme qui ne peut s'empêcher de pleurer même pendant une soirée dansante, ou encore l'insouciance de l'homme, qui ne semble être intéressé par rien d'autre que la boisson et passer du temps avec ses amis. Les plans-séquences sont donc judicieusement choisis pour souligner le malheur profond qui guette les personnages, dont la situation concerne sans doute une partie importante de la population "préfabriquée".