Claque visuelle et émotionnelle !
Nous sommes en l'an 750 au Japon, dans un bois en pleine été. Une fresque grandiose sur fond de désirs brûlants ? Passions, rivalités, duel entre deux hommes et une beauté fatale qui ricane ? Bref, la palette des sentiments humains.
Chaque version de l'histoire me fait penser à des sentiments bien distincts de l'être humain. Attention aux spoils pour ceux qui n'ont pas encore vu le film !
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1ère version , celle de Tajomaru le bandit : Courage et folie. Le combat entre le samouraï et le bandit est très virulent et même passionné. Le bandit ne cesse de faire des mimiques semblables à celles d'un fou pour déstabiliser son adversaire. Stratagème, réelle folie, ou voire même perversion ?
2ème version, celle de la femme : Mépris, colère et même haine. Je pense notamment au visage du samouraï qui reflète sa haine et son mépris pour sa femme. La colère, est donc dirigée vers sa femme, qui ne supporte pas que son mari la dévisage de cette façon. Ce sentiment la pousse à commettre l'irréparable.
3ème version, celle du samouraï mort : Amertume, souffrance et désespoir. La scène où le samouraï se suicide est assez équivoque et lourde de sens. Est-ce par déshonneur ou par honte tout simplement que le samouraï se suicide dans un geste désespéré ? Une question, hélas, sans réponses.
4ème version, celle du bûcheron : Lâcheté, peur. Cette fois-ci le combat entre le samouraï et le bandit est vraiment pitoyable. Les deux protagonistes tremblent comme des feuilles secouées violemment lors d'une tempête. Ils peinent à tenir leur sabre et à s'affronter. Même lorsque le samouraï est en mauvaise posture, le bandit est submergé par la peur tandis que le samouraï a lui, peur de mourir, ce qui n'est pas le cas dans la première version ou celui-ci se bat vaillamment contre son agresseur. Le combat a perdu de sa superbe, de son côté héroïque et brave.
Les sentiments qui se trouvent dans les quatre versions : la dignité, l'honneur et la honte (la femme et le samouraï souillés) , la loyauté (la femme qui n'hésite pas à changer d'homme par égoïsme et par intérêt personnel), le courage et la lâcheté, ainsi que les notions de vengeance, trahison (la surprise de la femme quand celle-ci voit que son mari ne veut pas se battre pour elle), convoitise (le bandit qui désire si âprement la femme) et mythomanie (le bûcheron qui ment en ne racontant pas comment ça s'est réellement passé par peur d'être injustement soupçonné mais aussi parce qu'il a volé la dague de la femme). Les désirs et pulsions (sexe, meurtre), la condition féminine sont également interrogés, de même que l'estime de soi, la peur et le suicide.
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La musique, quant à elle, accompagne les différents récits et narrateurs et accentue l'émotion. Kurosawa exploite et transforme le fameux Boléro de Ravel ; une assimilation typiquement japonaise qui fonctionne de surprenante et de superbe façons en ce mariage inattendu.
Sans oublier l'importance de la nature : la forêt, véritable véhicule poétique, est à la fois témoin et complice des drames qui s'y jouent. Les seuls animaux qui se battent dans la forêt de Rashomon sont des êtres humains finalement.
Et puis j'aime la façon de filmer pendant les scènes au tribunal. On ne voit pas le juge et on ne l'entend même pas. Les différents intervenants viennent répondre à un tribunal qu'on ne verra jamais. Par ce procédé, il me semble, que le rôle de juge de chaque personnage s'affrontant lui-même en s'expliquant, est finalement attribué au spectateur et à lui seul. Comme si chaque personnage nous demandait notre avis (le spectateur) et que la décision et la sentence incombent à ce spectateur.
L'un des derniers plans du film avec le bébé dans les bras du bûcheron, signe d'espoir et d'humanité devant tant d'horreurs, est tout simplement sublime ! L'homme est capable du pire, mais aussi du meilleur?
Un chef-d'oeuvre que je conseille à tous de voir ! Mon préféré de Kurosawa sans aucun doute possible !
10/10
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