Ce film a d'abord une valeur historique puisqu'il fut en effet celui qui révéla le cinéma japonais au monde occidental, via le Festival de Venise, et qui par la même occasion fit connaître le cinéaste Akira Kurosawa, qui ensuite devait confirmer son talent et son style par ses films suivants comme la Forteresse cachée, les Sept samouraïs ou le Château de l'araignée...
Au départ, ce type de cinéma étonna grandement et fut observé avec une attention critique : on a dit que l'aspect exotique avait pu amuser et donner une identité au film, on a dit que la surprise avait pu jouer dans l'intérêt du spectateur, en précisant que ce Japon folklorique était destiné au marché de l'exportation. On a fait remarquer que la musique lancinante avait un air de ressemblance avec le "Boléro" de Ravel.
Mais tout ceci ne tient pas debout, le film révèle d'abord une beauté formelle stupéfiante, aussi bien technique qu'esthétique, avec notamment des travellings dus à la virtuosité de la caméra et à la fluidité de la mise en scène, et des jeux de lumière et d'ombres à travers les arbres qui donnent un rendu par endroits quasi surréaliste. Les attitudes et postures des acteurs dans leur théâtralité sculpturale surprennent également, de même que la confrontation de 3 points de vue différents sur un récit identique, innove dans ce procédé qui influencera plusieurs réalisateurs, dont Tarantino qui le reprendra dans ses films. Hitchcock le reprendra aussi dans un épisode de sa série Alfred Hitchcock présente (épisode "I saw the whole thing").
Pas étonnant donc que le film ait fait sensation au Festival de Venise par la puissance de son récit qui est à la fois simple et complexe, créant ainsi une sorte de choc pour les occidentaux. Au final, à travers cette histoire, Kurosawa offre un portrait assez amer et pessimiste de la nature humaine en méditant sur la fragilité et le parti pris des témoignages. C'est un film idéal pour une première découverte du cinéma japonais.