Afficher en tant que papier peint

Le photographe Richard Billingham a acquis une certaine renommée en dépeignant la classe prolétaire anglaise des années 80 à travers des clichés de ses parents. Avec son premier long-métrage, il perpétue ce travail socio-auto-biographique. Malheureusement, de bonnes photos ne donnent pas forcément un bon film.


Mais que cherche donc à accomplir Richard Billingham ? Sublimer la laideur et la vulgarité ? Dénoncer la condition des prolétaires anglais des années 80 ? Régler ses comptes avec sa famille ? Il y a probablement un peu de tout ça dans son travail mettant en avant ses parents dans une succession de portraits peu glorieux : Ray alcoolique notoire et Liz, une obèse matrone tatouée. Le talent du plasticien est indéniable dans sa manière à recréer un décor vintage, où les papiers peints délabrés affublés de portraits au goût douteux suintent l’authenticité. On devine une obsession quasi fétichiste du réalisateur à reconstituer l’époque de son enfance en parsemant ses images de simples objets évocateurs d’un temps révolu (magnétophones, téléviseurs trinitrons, jouets LEGO). Le travail sur le cadre est également remarquable, avec notamment une utilisation du format 4:3 resserrant ainsi l’étau autour de ses personnages et accentuant leur sentiment d’oppression sociale. L’apparition de la moindre fenêtre provoque une bouffée d’oxygène.


Si ce travail plastique est remarquable, que reste-t-il de cinématographique ? Pas grand-chose à vrai dire et c’est là où le bât blesse. Le film n’est qu’une compilation de trois épisodes indépendants, montés tels trois courts-métrages mis bout-à-bout. Pour la construction dramatique et le déploiement narratif, on repassera. Ce qui pourrait très bien convaincre en format courts ou en musée est nettement moins séduisant dans un long-métrage. Outre l’ennui provoqué par le manque d’enjeu et d’histoire, le regard du metteur en scène devient également gênant : à force d’esthétiser la misère sociale de ses parents, sa vision adopte une complaisance répétitive et on peine à discerner un éventuel propos. À quoi bon asséner le spectateur d’images de son père croupissant dans un studio miteux envahi par les mouches ?

el_blasio
5
Écrit par

Créée

le 5 avr. 2019

Critique lue 384 fois

2 j'aime

el_blasio

Écrit par

Critique lue 384 fois

2

D'autres avis sur Ray & Liz

Ray & Liz
el_blasio
5

Afficher en tant que papier peint

Le photographe Richard Billingham a acquis une certaine renommée en dépeignant la classe prolétaire anglaise des années 80 à travers des clichés de ses parents. Avec son premier long-métrage, il...

le 5 avr. 2019

2 j'aime

Ray & Liz
kinophil
7

Désespérément triste, mais puissant et magnifique.

Ray & Liz, premier long métrage du photographe anglais reconnu pour son travail sur sa famille Richard Billingham, est digne de prendre place au côté des premiers films de Terence Davies et de Bill...

le 5 févr. 2023

1 j'aime

Ray & Liz
YgorParizel
7

Critique de Ray & Liz par Ygor Parizel

Ce film de Richard Billingham, photographe et cinéaste est dans la lignée du travail de photographe de ce dernier, de nombreux plans de ce film ressemble à s'y méprendre à des photos de l'artiste...

le 19 juil. 2023

Du même critique

Don't Look Up - Déni cosmique
el_blasio
5

Don't Watch Up

Malgré un postulat malin et bien-vu, cette farce s’avère être finalement assommante et répétitive. Un casting prestigieux et beaucoup d’agitation pour pas grand-chose. Cela fait une vingtaine...

le 10 déc. 2021

74 j'aime

3

Jamais plus – It Ends With Us
el_blasio
5

La vie en pas si rose

Cette romance impose à son public le même phénomène que vit son héroïne : la dissociation cognitive. Des clichés à la pelle, un cinéma très illustratif, un scénario digne d’un roman de gare… pour...

le 14 août 2024

15 j'aime

Love Lies Bleeding
el_blasio
8

Gym Tonic

L’émancipation du patriarcat est au cœur de Love Lies Bleeding (de Rose Glass, USA, Royaume-Uni), célébrant le retour aux affaire de Rose Glass. La réalisatrice avait déjà fait forte impression avec...

le 7 mars 2024

14 j'aime