Ray & Liz, premier long métrage du photographe anglais reconnu pour son travail sur sa famille Richard Billingham, est digne de prendre place au côté des premiers films de Terence Davies et de Bill Douglas. Comme les Trilogies de ces deux cinéastes, ce film est largement autobiographique, et situe son auteur en digne successeur de Ken Loach. Pouvant même faire passer les drames sociaux de ce dernier pour des aimables romances.
Ray & Liz est une impitoyable photo, sans filtre et sans fard de la famille du réalisateur. Richard Billingham raconte ici son enfance dans le Birmingham des années 80 au milieu d'une famille où alcool et violence faisaient bon ménage. Son père, Ray, est alcoolique au pire degré. Liz, sa mère obèse fume cigarette sur cigarette et passe son temps à réaliser des puzzles. Ils ont perdu leur emploi et leur place dans la société, résident dans un appartement décrépi d’une banlieue triste, sont totalement oisifs et survivent dans une misère où seuls les services sociaux leur permettent de subsister.
C’est sombre, bouleversant, déprimant. On ne perçoit pas d’espoir, pas de rédemption. Les personnages paraissent à priori totalement antipathiques.
Le cinéma social britannique montre généralement des gens ayant la vie dure, mais qui tentent néanmoins de tirer le meilleur parti des choses et essaient de faire ce qui est juste. Pas ici. Le budget du ménage passe prioritairement en alcool et cigarettes plutôt qu’en paiement du compteur électrique ; la famille est totalement dysfonctionnelle et les parents semblent ne pas du tout s'intéresser à leurs enfants.
Au début du film on se dit que le réalisateur en fait beaucoup dans le sordide et que le film va être irregardable. Mais quelque chose de miraculeux se passe, et son regard réussit à rendre ses personnages inoubliables. Ils finissent par inspirer plus de pitié que de mépris, et le film qui pourrait avoir tout pour déplaire provoque exactement l'effet contraire.
Cet inattendu effet positif est lié à l’authenticité du projet. Il se dégage de Ray & Liz une beauté et un spleen propre à ceux qui sondent leur passé. Richard Billingham le fait avec précision et honnêteté. Il ne juge pas ses personnages, il les montre, les restitue tels qu’ils sont, avec leurs qualités et leurs failles. Richard Billingham a minutieusement reconstitué les lieux de son enfance, l'appartement sordide où lui et son frère ont été élevés. Chaque petit détail est parfaitement réalisé, les fleurs artificielles bon marché, les ornements et bibelots kitsch, les reproductions de peintures accrochées aux murs pour « égayer » une maison où le papier peint se décolle des murs, les lapins qui crottent et les chiens qui pissent sur les journaux par terre.
L’attention générale portée à l’ambiance et aux décors, le souci du détail donnent parfois l'impression que l’on regarde un documentaire filmé sans jugement aucun.
De surcroit, Billingham s’appuie sur la superbe photographie du chef-opérateur Daniel Landin. La beauté mélancolique de l’image aux couleurs chaudes, le cadrage ultra soigné, la composition minutieuse de chaque plan, confèrent au film une qualité picturale hypnotique.
Il faut enfin mentionner l’excellence du jeu des acteurs . Patrick Romer est particulièrement fascinant dans l’intensité de son interprétation de Ray-âgé en ouverture du film. Ella Smith est singulièrement saisissante en Liz au comble du négligé.
Désespérément triste, le film est incroyablement honnête et beau ; pas facile à regarder, mais c'est un film puissant et magnifique.