Raya et le dernier dragon promettait une histoire originale sous la bonne étoile de Vaiana (2016) avec qui elle partage un réalisateur et scénariste (Don Hall perdu dans la mêlée des nombreux réalisateurs et scénaristes accolés au projet) ainsi qu'un univers exotique rafraîchissant se nourrissant plus particulièrement de légendes d'Asie du sud-est. Cela jusqu’à ce qu’on surprenne Disney en flagrance de redite...
L’histoire est celle des terres de Kumandra, où vivent cinq peuples que tout oppose et peu réunit, sous le joug d’une entité surnaturelle arpentant en long et en large des contrées, aussi inquiétantes que dépaysantes, pour changer en pierre les survivants d’un cataclysme engendré par un égoïsme matriciel bien humain. Le début de l'histoire réussit à être engageant et bien rythmé. On suit Raya, fausse princesse et vraie guerrière issue de l'héritage d'animation tracé par Mulan et Vaiana (pour ne parler que de Disney). Un excellent personnage, quoi de plus prometteur donc. Et puis, malheureusement, force est alors de constater que des pages de scripts des derniers films Avengers se sont glissées dans celui de Raya. La faute à un étourdi dans les bureaux de la Walt Disney Company ou bien sommes-nous témoins d'un recyclage à peine masqué ?
En effet, il faudra retrouver des pierres un peu brillantes, les rassembler et espérer que cela suffise à rétablir les choses comme elles étaient. D'ailleurs l'effet visuel par lequel les humains de l'histoire sont "mis en pierre" est assez ressemblant (sous une forme rembobinée) d'avec l'effet d'évaporation dans Avengers: Infinity War. De pierres en pierres et de nouveaux compagnons en nouveaux compagnons (tous développés plus ou moins de la même façon à travers le trauma originel), l’originalité pressentie s’éloigne alors de plus en plus sans que quelques chansons sympathiques viennent dynamiser cette horizon narratif balisé et pouvant dès lors être anticipé sans peine.
Passée cette déception narrative et les quelques interrogations du dénouement qui titillent un peu trop la bonne volonté de notre suspension d'incrédulité (Une résurrection ? Des personnages libérés là où des dragons étaient restés de marbre auparavant ? Une pierre pour une personne, y a pas moyen de se serrer un peu ?), il faut tout de même rendre à l’animation ce qui est à l'animation. C’est-à-dire une beauté certaine (le chara-design), une technicité aboutie (les éléments naturels comme l'eau et sa physique) et un équilibre artistique entre le réalisme et l’irréel toujours envoûtant. Il reste que la simplicité de Vaiana (de l’eau à perte de vue surplombée par la lumière du soleil ou des étoiles) tirait davantage son épingle du jeu là où Raya et le dernier dragon forme parfois un pot-pourri culturel qu’on devine avoir été complexe à composer et qui retient le film de se forger une véritable singularité visuelle.
A un moment la caméra rejoue une parade "à la Avengers" reliant dans un plan unique deux nouveaux héros sur le champ de bataille et partant vers un troisième avant de couper. Elle le refait ensuite une seconde fois et parachève d'expliciter sa référence dans un dernier plan-séquence plus long où cette fois-ci ce sont tous les personnages en action qui sont raccordés par les mouvements de la caméra virtuelle. Le problème d’une référence visuelle ici un peu évidente, même si dynamique, est que le spectateur attentif peut se demander s’il regarde de la Walt Disney Animation ou bien du Marvel Cinematic Universe. Les identités des différents univers de production de Disney vont-elles vraiment se confondre de plus en plus ? Ce serait dommage d'en aboutir à une forme de standardisation artistique. Surtout si elle devait se faire au profit du MCU et au détriment de l'héritage de la Walt Disney Animation. Pour rééquilibrer le parasitage de ses studios en vases communicants, on pourrait proposer aux Avengers de pousser un peu la chansonnette, non ?
Si il n'y a pas de chanson diégétique (sauf erreur de ma part), il n'y a pas non plus de grand méchant, pas de vilaine sorcière ou de chef barbare implacable sur qui mettre un visage humain, un aplanissement des aversions qui mériterait tout de même un peu plus de mordant que ces simples masses électrico-violacées hydrophobes sans émotion ni motivation. Surtout que la communion de ceux qui s'opposent devient de plus en plus l'objectif des histoires proposées par Disney. Raya aurait ainsi profité d'une tragédie plus marquée, plus profonde comme se le permettent d'autres films d'animation (Kubo et l'armure magique par exemple). Sans cela il est probablement plus difficile pour ce film de marquer les esprits et de se forger une identité donnant envie de le revisiter pour autre chose que sa plastique somptueuse.
En définitif, Raya et le dernier dragon (si on voulait tirer encore la corde du jeu des comparaisons : Rey et le dernier jedi ?) se joue dans un univers plaisant et articulé habité par une histoire malheureusement vue, revue et empesée par un message universaliste bien trop sur-expliqué et surexposé. Ainsi il finit par ne plus vraiment parler à tout un chacun et manque d'inspirer comme Vaiana pouvait le faire. Le ravissement des cœurs n’en devient que plus laborieux pour un film d'animation devant lequel on aurait vraiment préféré ne pas rester de marbre.