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Deux mois se sont à peine écoulés depuis la sortie de Pentagon papers et voilà que l’on reparle d’un nouveau film de Steven Spielberg. On avait déjà connu cela de la part d’un cinéaste au rythme de production impressionnant (16 films sur les 20 dernières années) mais jamais avec si peu de temps pour reprendre son souffle. Prenant à la lettre la devise d’un de ses meilleurs films (Catch me if you can), Spielberg semble inarrêtable et l’âge avançant, il se sent pousser des ailes politiques qu’il n’a jamais vraiment eu au cœur des années 70-80 contrairement à ses autres amis réalisateurs (les Scorsese, Coppola et autres Lucas et De Palma) bien plus enclins à faire dans la rébellion contestataire.


Après une sorte d’hommage au cinéma old school très politisé servant de piqure de rappel sur l’importance d’avoir une presse libre et une égalité de sexe, il revient en apparence avec Ready player one à un pur cinéma de divertissement qui a forgé son retentissant succès au fil des décennies. Pour autant, s’il est question de plaisir visuel inouï, la coquille est loin d’être vide. La découverte du film s’accompagne d’un message presque testamentaire, d’un regard d’une lucidité étonnante d’un artiste faisant le bilan d’une culture et d’un mode de vie qu’il a plus que grandement contribué à façonner.


Sorte de sommet du cinéma spielbergien où l’on retrouve toutes les facettes du cinéaste que l’on aime depuis plus de 40 ans, Ready player one constitue une bouffée d’oxygène plus que salvatrice à l’heure où les blockbusters américains semblent constamment user des mêmes formules.


Et pourtant, tout semblait indiquer que le chemin choisi par Spielberg allait donner une sorte de best of brillant mais vain. En adaptant un best-seller de la culture geek (Player one d’Ernest Cline) où les références à son cinéma sont omniprésentes, le réalisateur d’E.T. l’extraterrestre jouait sur du velours. Pour preuve, ce cri du cœur lancé par bon nombre pour expliquer à quel point le bonhomme était l’homme de la situation pour un tel projet. Que le film soit donc une réussite visuelle étourdissante à l’image de ses séquences d’action au découpage proprement monstrueux (on a envie de faire pause à chaque plan de la course de voitures pour pouvoir rugir calmement de plaisir), semble d’une évidence presque confondante même si le souvenir d’un bien médiocre Indiana Jones 4 reste toujours coincé dans un coin de notre tête.


Mais là où il étonne et fascine, c’est sa capacité à échapper complètement au redouté check-point de la culture geek pour se diriger par le biais d’une étourdissante démonstration de savoir-faire technique (l’ahurissante inventivité du mélange réalité-virtualité) vers une réflexion bouleversante sur ce qu’est devenue l’industrie du divertissement. Ou comment Spielberg, tel le paradoxe ultime, se présente comme le garde-fou d’une société devenue tellement accroc à cette culture et ses références qu’elle ne se rend plus compte que son essence même s’est perdue au profit de prédateurs prêts à tout pour capitaliser dessus.


Sous couvert d’un blockbuster somme au rythme trépignant qui au passage règle son compte au méta-cinéma à travers la séquence la plus jouissive du genre, Steven Spielberg livre un de ses films les plus politiques en replaçant l’importance capitale du réel dans notre quotidien. Un pied de nez magistral pour un film qui nous aura fait rêver durant plus de deux heures !


Critique publiée sur https://www.e-cinema.com/blog

Laurent_Pécha
9
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le 28 mars 2018

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Laurent Pécha

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