Atsumi ( Haruka Ayase ) est une jeune et jolie dessinatrice de mangas. Mais, depuis un an, elle est dans le coma après avoir tenté de se suicider. Pour trouver une explication à son geste, son petit ami, Koichi ( Takeru Sato ), rejoint un programme censé lui permettre de pénétrer dans l'inconscient de la jeune femme. Mais le système l’envoie-t-il vraiment là où il croit ?
Kurosawa nous invite à un curieux voyage dans le temps et dans l’inconscient qui, mieux que le conscient, enregistre non le réel supposé mais l'illusoire, l'inexistant, le virtuel, soit notre propre re-création ou, plus précisément, notre propre transposition du monde et de la vie. L’eau omniprésente nous rappelle la profonde réflexion du philosophe Gaston Bachelard dans « L’eau et les rêves » : L’être voué à l’eau est un être en vertige, il meurt à chaque minute.
Oui, l’eau fait tour à tour mourir et renaître et c’est ce qui arrive à Koichi, victime de sa mémoire mais aussi de ses rêves, au point qu’il touche tour à tour au fini et à l’infini, à la mort et à la résurrection. C’est au pays d’enfance que le couple se retrouve en pensée, sur une île aujourd’hui déserte, autrefois paradisiaque, que la réalité brutale des hommes a transformée en un enfer surréaliste.
Film de science-fiction mais d’une science-fiction intime et interrogative sur nos propres dérives mémorielles qui n’est pas sans rappeler "L’aventure de Mme Muir" de Joseph Mankiewisz, davantage que "Inception" de Christopher Nolan dont le discours onirique restait en surface, Kurosawa ouvre des pistes en faisant dialoguer le visible et l’invisible, le réel et le fantasmé avec une rigueur d’une rare intelligence.
Familier de l’étrange et du surgissement inquiétant de l’inconnu," Real" nous immerge au cœur de cette hantise à travers le dialogue d’un jeune couple dont l’un des deux est dans un coma profond, mais lequel plus que l’autre ? Car le coma semble ici être un refuge, davantage peut-être une voie pour déchiffrer l’incompréhensible, le subjectif, la face cachée des choses et un lieu prédestiné où l’être prend sa vraie mesure et où l’existence se déploie dans sa véritable dimension. Enfin, la faute originelle et la quête du rachat prennent une importance obsédante. C’était déjà le cas avec "Shokuzai", ce l’est avec "Real" qui nous déconnecte du réel pour nous entraîner dans les méandres surprenants, fascinants du cerveau et de ses incroyables fantasmagories.
Voilà une œuvre marquante qui sait émouvoir et questionner sur la part chimérique de chaque vie. C’est par ailleurs l’œuvre d’un visionnaire qui met en perspective la responsabilité des hommes en proie à une angoissante manipulation de la matière et des forces nucléaires représentées par un monstre préhistorique surgissant de l’eau miroir du temps, comme si le présent mordait la queue du passé, incarnation de notre évidente culpabilité. Oui, un grand film. Décidément l’audace et la nouveauté nous viennent de l’Est.
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