Just a perfect day (for a plesiosaurus)
Après la pause Tokyo Sonata, et la série Shokuzai, Kurosawa nous revient dans la forme plus familière du film de genre, épouvante à la sauce Kaïro, mâtiné toutefois d'une bonne dose de SF.
Cependant, les thématiques chères à Kurosawa restent les mêmes. Les femmes ont peu de voix au chapitre. Le traumatisme d'enfance n'est jamais très loin. La culpabilité ronge les esprits. La repentance (Shokuzai) est nécessaire.
Et ainsi de suite...
Mais dans sa grande maîtrise, Kurosawa arrive à varier les véhicules, et dans ce film-ci (Real, voire Unreal), le discours est porté par une forme SF qui permet d'explorer les inconscients au plus loin et de manière inédite pour lui.
Voici donc un homme qui , pour sauver la femme qu'il aime de son coma, suite à une tentative de suicide, va pénétrer son esprit grâce à la technique du "contact" (Au passage, on constatera que la technique est fort peu documentée, Kurosawa nous met de plain pied face à cette virtualité, de telle sorte que nous n'ayons pas d'autre choix que de la tenir pour acquise).
Ce faisant, Koichi trébuche sur les limites de l'inconscient de Atsumi, des limites fangeuses, marécageuses, inquiétantes, même. La barrière entre le Réel et le virtuel devient poreuse, et les cauchemars de Atsumi semblent le poursuivre dans sa vraie vie, en faisant irruption de manière soudaine et efficacement terrifiante non seulement pour Koichi, mais également pour le spectateur. Même le décor d'une rue empruntée par la voiture de Koichi semble tout droit sorti des mangas, ou plutôt des jeux vidéo.
Ces petits allers-retours de Koichi dans l'esprit de sa belle s'effectuent dans le cadre de cercles concentriques de plus en plus larges, avec de plus en plus d'informations distillées, jusqu'à un twist qui remet à plat toutes les données.
A partir de là, le film perd un peu de sa tension, malgré un climax esthétique autour d'une vision magnifiquement apocalyptique de sa ville par Koichi, dans un rêve ou dans la réalité, Real ou unreal...Le scénario étant tiré d'un livre, il est permis de penser que ces moments d'égarement qui ressemblent si peu à Kurosawa sont dûs à sa velléité de respecter l'histoire originale. Les scènes se délitent, s'étirent sans rien apporter de plus au film. C'est commered si on revivait la première moitié du film non pas sous un autre angle, mais véritablement comme une sorte de redite.
La toute fin du film connaît un regain d'intensité, avec une ruée des scènes vers l'explication finale, tant à un niveau micro (l'histoire des personnages entre eux) que macro (le questionnement de Kurosawa en tant que japonais sur le saccage de la nature par des complexes touristiques inachevés, métaphore des bombes ? de Fukushima? questionnement qu'il me semble avoir ressenti également chez Miyazaki dans Le vent se lève
Les artifices utilisés sont peut être énormes (magnifiques CGI ), mais sont sans doute le reflet de ces peurs combinées, et apportent définitivement la dimension poétique dans le métrage de Kurosawa.