Une jeune fille obsédée par une cassette bleue provenant des entrailles sanguinolentes d’un sanglier que son père chasseur vient de tuer, et un cameraman d’émission culinaire avec une idée de film géniale qui doit enregistrer le meilleur cri de l’histoire du cinéma …
Dupieux construit dans chacun de ses films de petits univers uniques, indépendants de tous repères géographiques et temporelles, où l’on parle aussi bien français qu’anglais. Des petits univers où le non-sens fait loi et qui remettent en cause la logique la plus élémentaire plus souvent qu’un intégriste religieux. Ruber retrace l’histoire d’un pneu tueur télépathe, Wrong voit un palmier devenir sapin et les étrons canins posséder une conscience quand un policier vend de la drogue dissimulée à l’intérieur de rats dans Wrong Cops. Dans réalité, la patte du réalisateur se retrouve immédiatement, avec ses personnages drôles et aberrants, son humour glauque et malsain, ses distorsions ponctuelles absurdes et jouissives, enrobés dans un écrin aux teintes claires grise et beige et accompagné par un thème de synthé lancinant et obsédant.
Dupieux confirme.
… et un producteur complètement déjanté, légèrement mégalo, mais plutôt réglo, qui tue un surfeur au fusil à lunette depuis son balcon, et des téléviseurs tueurs émettant des ondes qui rendent ceux qui la regardent stupides avant de les cramer de l’intérieur, avec plein de sang qui gicle de partout …
Chaque personnage évolue d’abord dans son petit monde indépendant, Dupieux met ses pions en place. Puis ils se croisent, se rencontrent et s’apostrophent dans une série d’emboîtements totalement cohérents mais complètement absurdes qui font s’entrechoquer les différents mondes précédemment mis en place. Jason, le cameraman/réalisateur se rend au ciné pour décomplexé et découvre baba, son propre film projeté. Les cris sont particulièrement ratés. Point de départ. Les distorsions ponctuelles deviennent systématiques, réalité, cauchemars, films et rêves s’entrechoquent, ce que l’on croyait réel s’écroule brusquement, les situations, les histoires, les lieux et la chronologie se confondent, s’entremêlent et se complètent.
Dupieux régale.
… et un présentateur d’émission en costume de rat géant victime d’attaques d’eczéma que personne d’autre ne voit, et un directeur d’école conduisant une veille Jeep militaire, habillé en femme, qui sonne chez un veille homme avant de l’envoyer se faire foutre …
Réalité distribue au passage quelques mandales. A la télévision, d’abord et la dimension intellectuelle de ses programmes. Dans le film de Jason, les télévisions rendent stupides. Plus les téléspectateurs la regarde, plus ils deviennent stupides, plus ils deviennent stupides, plus il la regarde. Implacable. Au cinéma, ensuite et ces producteurs frileux, obnubilés par l’argent et par la poursuite des oscars. A tous ces critiques et à tous ces spectateurs, enfin, qui ne peuvent s’empêcher de tout analyser, de tout décortiquer, de tout intellectualiser.
Dupieux attaque.
Une bonne claque, à l’ancienne -avec choc psychologique- qui vous déstabilise et vous cloue sur place, ahuri, avant de vous poursuivre pendant quelques jours.
“It is eczema, but it’s eczema on the inside of your head.”
Formidable.