Putain de crise d'eczema !
Quentin Dupieux à la fâcheuse tendance à nous embobiner. A nous prendre au piège. A nous envoyer balader. A nous prendre la tête. A nous donner de l'urticaire. A nous emmerder. A nous envoyer du rêve. Mais... il le fait bien. Proprement. Esthétiquement. Pertinemment. Magistralement. Musicalement... bon j'en ai fini avec "ment". C'est juste qu'il nous force, à la fin du film, à réfléchir à ce qu'on vient de voir, d'entendre, de vivre. On se sent un peu con, à se dire... "ouais, mec, qu'est-ce t'as voulu dire?" Donc t'attends sur ton siège, tu te dis qu'on voyant les crédits, ça va venir... donc t'attends... t'attends... mais en fait, ça vient pas forcément, pas tout de suite, peut-être jamais. Peut-être faut-il juste accepter le fait qu'on vient de vivre une expérience particulière.
Pour le coup, en termes de concept, un film dans le film dans le rêve du film du rêve du film du film du rêve... (à quelques rêves et films près...) c'est plutôt pas mal. Fallait y penser. Il y a quelques semaines, je me suis fait Synecdoche New York, et même Charlie Kaufman n'a pas osé aller aussi loin, alors que bon... pour le coup, son film torture bien l'esprit. Non... vraiment, Dupieux fait plutôt fort ici. Le fil rouge de sa carrière, quand on y pense, c'est de prendre une histoire plutôt bidon, un pneu tueur, un mec qui kidnappe des chiens, un flic qui essaie de percer dans le monde de la musique, et d'en faire un film. Ici, on pourrait parler d'un mec qui, pour pouvoir financer son film doit trouver le plus beau gémissement de toute l'histoire du cinéma, un gémissement qui mériterait un Oscar. Ou bien, plus simplement, c'est l'histoire d'une fillette, Reality, qui trouve une cassette. Choisissez !
A chaque fois, et comme dans Réalité, les personnages ne sont jamais très complexes, très réfléchis. Ils vivent, subissent, agissent, mais ne sont pas bien compliqués. Non, c'est plus l'histoire qui est complexe, ou plutôt barrée. D'ailleurs, je défie quiconque de raconter de manière compréhensible ce film. Je n'ose m'y aventurer. Et pour être honnête, c'est plutôt inutile. Ce serait une putain de prise de tête. une putain de crise d'eczema interne.
Non, j'ai juste envie de parler de masturbation esthétique que produit Dupieux. Parce que oui, l'image est belle. Un filtre légèrement gris. Une image travaillée. Le son est bon, comme toujours, cette musique électronique qui revient, cet instrumental qui revient, qui vous attire, vous intrigue. Des personnages complètement barrés, qui frisent l'absurde, non, qui sont absurdes, mais d'une manière très calme, non sur-jouée, comme si ça allait de soi de faire ce qu'ils font. Comme si l'absurdité faisait parti d'eux, qu'ils le vivaient bien. Chaque scène se répond, se suit, tout s'imbrique, tout à sa logique, qu'on le perçoive ou non. Tout est pensé. Réfléchi.
A dire vrai, chez Dupieux, on peut être que fasciné. On s'extasie. On prend son pied. On ne sait pas toujours pourquoi, mais notre regard ne lâche pas. On tend l'oreille. On reste devant l'écran, on ne faiblit pas, jamais.
Tout ça pour dire que Réalité est plutôt pas mal, mais merde, quelle prise de tête... Mais j'attends le prochain avec impatience. Déjà.