Pour contextualiser mon propos, j'étais en amour transi devant le génie des films de Dupieux. Tous. Tous même Steak. Tous sauf Wrong Cops. WC m'avait laissé un goût amer. J'avais l'impression d'avoir perdu beaucoup de ce qui me plaisait dans le cinéma de Dupieux, à savoir une remise en cause permanente des standards du cinéma et une inventivité sans cesse renouvelée. Il y avait une multiplicité des personnages dont les trajectoires se croisaient de façon assez peu intéressante - à mon sens, une intrigue presque convenable et un humour (mais là c'est plus que subjectif) plus "mainstream". Preuve en est de ce qui me semblait être une vulgarisation du cinéma de Dupieux : la salle était à moitié pleine et riait tout le temps, aucun départ en cours de séance... Faut-il rajouter à ça que la BO était presque un best-of des albums passé de Oizo et que Marilyn Manson représentait un simple atout commercial ? Ça me peinait de tomber dans cette stéréotypie où l'on vient à déconsidérer au fur et à mesure des œuvres qui passent les artistes que l'on a connu dès leurs début.

Voilà. Mais Réalité change la donne. Réalité réussit là où Wrong Cops échoue.

L'idée de base est absurde mais le développement de la trame du film qui s'inscrit plus dans une circularité que dans une mise en abîme est vraiment géniale. On se plaît à être perdu là-dedans, il ne s'agit pas d'une intrigue où comme dans un pseudo-Lynch, la clé du film est dans un détail à l'arrière-plan de la 30ème minute. Ici, il y a juste à se laisser porter par ces emboîtements de rêves sans recherche de vérité absolue, c'est un voyage au travers de ces différents tableaux de réalités et peu importe qui rêve et qui est éveillé.

Le jeu d'acteur est une nouvelle fois très bon, et Chabat (qui était devenu un des acteurs français les plus pénibles avec Gad Elmaleh et Michel Leeb après La Cité de la Peur) redevient un bon acteur, qui ne se contente pas de "faire du Chabat". L'esthétique est toujours très léchée chez Dupieux, ça reste valable pour Réalité et dans des gammes chromatiques nouvelles.

Dans le chapitre coup de génie/prise de risque, citons aussi un thème musical unique (Par Philip Glass, y a plus dégueu) et un film tourné en deux langues (français et anglais).

Réalité est le film qui aurait du venir après Wrong, celui d'un Dupieux qui s'affranchit de contraintes et qui ne flatte pas le spectateur. Je n'ai plus envie d'être le vieux con passéiste pour qui c'était mieux avant.

C'est ce que j'aime.
EdouardLaforgu
8
Écrit par

Créée

le 2 mars 2015

Critique lue 392 fois

Epsilon Lambda

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