Je ne vais pas y aller par quatre chemins, Rebecca est pour moi le meilleur film d'Alfred Hitchcock. Et celui-ci aura beau dénigré son œuvre, prétendant que ce n'est pas la sienne mais celle du producteur David Selznick, ça ne me fera pas changé d'avis. D'autant qu'il reste l'élément essentiel du cinéma de Hitchcock : la jeune fille apeurée qui se découvrira une force mentale insoupçonnée.
On peut même dire que le personnage de Rebecca, merveilleusement interprétée par Joan Fontaine, est la quintessence de l'héroïne hitchcockienne. Nous la découvrons sur la côté d'Azur, servant de boniche à une odieuse vieille femme fortunée mais pauvre d'esprit. Fort heureusement le beau et riche Maxime de Winter va l'extirper de sa misérable condition en la prenant comme épouse. Au diable les convenances! L'amour triomphe enfin!
Sauf que là on est qu'au début du film, et jusque là ce n'est pas très Hitchcockien (ou alors première période). Vient le moment pour Rebecca de découvrir sa nouvelle demeure, le vaste château de Manderlay. Contrairement à ce qu'on pourrait penser c'est une Rebecca encore plus pathétique que lors des premières minutes qui fait son entrée au château. La jeune fille n'a toujours aucune confiance en elle, intimidée par son propre ombre, et craintive devant ce monde qu'elle ne connait pas. De plus il pleut à torrent au moment de son arrivée, elle est donc décoiffée et trempée jusqu'aux os. C'est dans cette état lamentable, tant physiquement que moralement, qu'elle est présentée aux domestiques du château, notamment l'intendante à la mine austère et tirée à quatre épingle. Le contraste est saisissant entre les deux femmes, et derrière la fausse courtoisie de leur premier échange on sent la crainte d'un coté, le mépris de l'autre.
Ca c'est enfin du Hitchcock, et ce qui l'est encore plus c'est que le château renferme des secrets inavouables, moralement dérangeant, que nous découvriront en même temps qu'une Rebecca de plus en plus déterminée à comprendre ce qu'on lui cache. Elle le comprendra assez vite, grâce à de faibles indices, mais la volonté d'en avoir le cœur nette la poussera à sortir de sa coquille. Elle est aussi là l'héroïne hitchcockienne. La jeune fille fragile qui par nécessité va gagner en assurance et triompher de l'adversité.
Je le répète, Rebecca est le meilleur Hitchcock. En comparaison les mésaventures de Tippi Hedren ou Grace Kelly passent pour une version édulcorée de l'histoire de Rebecca. Joan Fontaine semble être née pour ce rôle tant sa prestation est impeccable. Judith Anderson est quant à elle l'actrice idéale pour interpréter la femme de chambre inquiétante. Un grand Hitchcock qui maitrise son sujet de bout en bout, se montrant digne de son titre de maitre du suspense. Il nous offre également plusieurs plans mémorables, comme l'ombre menaçante de Judith Anderson se découpant sur le mur (qui parait-il inspira Disney pour la belle-mère de Cendrillon), ou l'exploration du petit cabanon sur la plage. Oula, j'en dis pas plus.
Aucune fausse note dans ce film, qui mérite d'être revalorisé face à des Psychose, Les Oiseaux, ou Le Crime Était Presque Parfait, certes très bon, mais pas autant que Rebecca.