Rebecca est le seul film de toute la carrière d'Alfred Hitchcock à avoir reçu un Oscar, celui du meilleur film en 1940. C'est aussi son premier film américain qui inaugurera une longue et fructueuse collaboration, plus de 30 ans et presque 30 films. Rebecca se révèle être son premier vrai chef-d’œuvre (à mes yeux) et certainement son meilleur film des années 40 devant (ou derrière, selon les goûts) Les Enchaînés.
A l'image de Stanley Kubrick, Alfred Hitchcock avait la réputation d'être un tyran sur les plateaux de tournage avec ses acteurs (et surtout actrices), mais le résultat en valait vraiment la chandelle. C'est aussi et surtout très vrai avec Rebecca, il démontre là une fois encore que c'est un directeur d'acteur exceptionnel. Il "dirige" réellement ses acteurs et ça se voit dans l'évolution des personnages entre le début, le milieu et la fin du film et l'interprétation des deux têtes d'affiche (et de la gouvernante aussi) suit cette évolution. Pendant toute la première partie du film l’interprétation de Joan Fontaine et Laurence Olivier semblent étranges, mais tout prend sens au milieu du film lorsqu'une première révélation (et donc pas la dernière) est révélée au spectateur. Le film enchaîne ensuite les rebondissements jusqu'à la toute dernière minute. Il ne faut pas chercher bien loin la source d'inspiration pour Les Autres d'Alejandro Amenábar et L'Orphelinat de Juan Antonio Bayona. Non seulement ils en reprennent la structure et la construction scénaristique, mais aussi la direction artistique. La maison isolée dans Les autres et l'orphelinat sont clairement inspirées de la demeure de Rebecca et on pourrait continuer longtemps à lister ici les emprunts aux films et à l'univers d’Alfred Hitchcock, mais Rebecca bien plus encore est vraiment une oeuvre fondatrice pour le genre thriller/drame/suspense.
Et ce qui est génial aussi avec ce film c'est que Rebecca en est le personnage principal, mais qu'on ne la voit jamais à l'écran. Pour cause, c'est la précédente épouse de Maxime De Winter (Laurence Olivier) morte un an avant que ne débute le film, mais sa présence est réelle puisque la nouvelle épouse de Maxime (Joan Fontaine) est sans arrêt comparée à elle. Rebecca est donc à la fois omniprésente et totalement absente du film. Alfred Hitchcock a fait le choix de ne jamais la montrer à l'écran, même pas à travers des flashback, mais il arrive quand même à l'imposer comme personnage central du film grâce à l'atmosphère, l'ambiance, les dialogues et la mise en scène qu'il met en place. C'est une prouesse technique et encore un coup de maître, faire un film de fantôme ... sans fantôme.
Non vraiment, Rebecca frôle la perfection et c'est un grand Hitchcock ... une fois encore !
En fait, après réflexion je lui trouve quand même un défaut, c'est cette fin en semi "happy end" qui retombe comme un soufflé ...
La demeure est détruite par les flammes avec la gouvernante, mais cette dernière laisse la vie sauve à Joan Fontaine. C'est totalement incohérent, Joan Fontaine aurait dû mourir sous les flammes et donner au film la fin tragique qu'il méritait tant.
Il a surement voulu faire un compromis pour plaire à un plus large public (probablement sous l'influence des studios), c'est dommage !