"Rébellion" est un pur chef d'oeuvre. Un film d'époque incroyable, un Chanbara épique, une tragédie bouleversante, un casting à tomber par Terre, une réalisation irréprochable; en bref un immanquable qui mérite toutes les louanges qui lui sont décernées. Masaki Kobayashi s'attaque une fois encore à cette absurde rigueur japonaise qui fait passer les règles avant l'humanité elle-même. L'oeuvre parle des injustices morales que peuvent vivre les samouraïs de l'époque par devoir pour leur fief et surtout de l'impossibilité des femmes de défendre leurs opinions même lorsque c'est leur propre existence qui est en jeu.
La situation de départ est absurde: Ichi est mariée de force au Seigneur du domaine, remplacée par une autre après lui avoir donné un second enfant mâle, répudiée pour être mariée à un vassal... pour au final être rappelée au château à la mort du premier héritier, la mère du remplaçant ne pouvant être mariée à un simple homme de main. Face à ce traitement purement et simplement inhumain, ayant accueillis la pauvre femme dans la famille et l'ayant acceptée comme fille et femme, Isaburo le beau père et Yogoro le mari décident pour la première fois de leur existence de se rebeller. Se rebeller contre un système, contre leur propre famille qui continue de suivre aveuglement les règles pour un simple statut social construit sur de la fausse considération, contre des traditions qui ont trop duré. Qu'importe les conséquences, qu'importe que la famille soit déchue ou que mort s'en suive, pour Ichi et pour l'humanité toute entière, ils vont se battre.
"Rébellion" est un film qui prend aux tripes, avec des personnages extrêmement bien écrits, qui au delà même du sujet du film débordent bien plus de naturel que la plupart des rôles du cinéma de l'époque. Isaburo, Yogoro et Ichi ont des failles qu'ils ne cachent pas, ils ne sont pas parfaits mais aspirent à devenir meilleur et se battent pour ce qu'ils pensent juste. Ce ne sont pas pour autant simplement des anti-systèmes qui nient en bloc toute forme d'autorité, ils se font uniquement punir parce que contrairement à l'écrasante majorité de leur entourage, ils sont humains. Globalement et hormis dans les plus hautes sphères, où le pouvoir rend fatalement fou, même les antagonistes se rendent compte que quelque-chose n'est pas juste dans cette histoire... Cependant la pression exercée par le système gagne chez eux face à la raison.
Le film est majoritairement composé de dialogues qui remettent en cause le pouvoir, décisions politiques douteuses et pression psychologique exercée sur les plus faibles. Il ne vole cependant pas son titre de Chanbara, prenant tout son sens dans un climax final à couper le souffle. Isaburo, fine lame du royaume, révèle tout son potentiel au sabre dont on entendait jusqu'à présent les louanges sans pour autant en avoir vu le moindre bout. Il devient l'incarnation même de la détermination, son sabre portant aussi bien son important message qu'il apporte la mort.
Il y aurait énormément d'autres choses à dire sur cette pépite du cinéma nippon classique, mais je laisse de plus belles plumes s'en charger à ma place. "Rébellion" est une énorme claque pour laquelle mes attentes étaient tout aussi grandes et qui ne m'a nullement déçu. Un film à voir absolument, au même titre que "Harakiri" du même réalisateur avec lequel il fait la pair, important film d'époque mais surtout morale universelle sur la condition humaine.