Quand un film de niche réalise plus de 30 millions d’euros de bénéfice, il est tout naturel que l’envie de mettre une suite en chantier, pour surfer sur le succès, se montre forcément la plus forte. C’est donc à peine deux ans après un premier volet virtuose que Jaume Balagueró & Paco Plaza reviennent aux affaires, de retour dans le même immeuble, tout juste quelques secondes après la fin en apothéose de « [REC] ». Mais voilà, le premier film se suffisait amplement à lui-même, puisque la mise en scène servait principalement à préparer toute l’expérience proposée dans les dernières minutes.
Mettre en chantier une suite n’est jamais une entreprise évidente. En général, les séquelles se confrontent à deux cas de figure qui s’opposent : le copier-coller qui n’apporte rien d’autre ou alors une orientation qui donne de nouvelles perspectives à une saga naissante. « [REC]² » se situe dans l’entre-deux, sans être moins bon que son prédécesseur, la surprise n’est plus là. S’il essaye de multiplier les points de vus, parfois de manière un peu poussive, il ne parvient jamais réellement à se défaire d’un concept qui en 2007 fonctionnait parfaitement. Il atteint ici ses limites et se répète. Cependant, le film n’en a pas pour autant rien sous le capot, puisqu’il remplit une part du contrat, en développant l’univers.
La principale qualité de cette production s’avère aussi son plus grand défaut. Jouant à fond la carte du film de possédés, le récit se détache complètement du film d’infectés, pour préciser les enjeux qui se déroulent dans l’immeuble. Le premier jouait quant à lui le mystère, puisque son objectif souhaitait avant tout proposer une expérience horrifique nouvelle. Le personnage principal est cette fois un scientifique qui accompagne une équipe d’assaut de la police madrilène. Lui veut trouver un échantillon de sang à tout prix, pour créer un antidote, quand les policiers veulent sauver de potentiels survivants. Un caméraman l’accompagne et les membres des forces d’assauts possèdent une caméra embarquée sur leur casque, puis s’ajoute un tiers point de vue en cours de route.
À trop vouloir pousser son concept dans ses confins, par la multiplication des points de vus jusement, le résultat se révèle en demi-teinte. En plus de rendre le cadre parfois brouillon (il devient difficile d’identifier quel personnage est victime ou vecteur d’image), l’ensemble se montre bordélique. À même sa construction narrative le film patine et se perd en voulant à tout prix rejouer les moments clés du premier, la réussite en moins. Cela fait qu’au bout d’un moment, l’impression de se retrouver devant une redite formelle sans grand intérêt se fait sentir.
Mais attention, « [REC]² » n’en demeure pas pour autant un mauvais film, il possède quelques moments de bravoure bourrin des plus bienvenues, mais surtout il développe sur plus d’une heure les dix dernières minutes du premier. Ce parti pris audacieux, et plutôt convaincant, révèle son lot de surprises, mais rend en contrepartie obsolète l’usage du Found Footage. Contrairement à « [REC] », s’il avait été filmé d’une manière classique il n’en aurait pas été moins bon, au contraire même. Cette inclinaison se confirme dans le troisième volet, où le Found Footage est abandonné.
En demi-teinte, « [REC]² » vaut plus pour son histoire et la mythologie qu’il met en place, que pour sa nature de film d’Horreur flippant. De plus, il arrive après « Cloverfield » et « Paranormal Activity », qui ont relancé une courte mode du Found Footage (qui ne volera pas très haut). Le concept est déjà éventé et « [REC]² » en souffre. Le public ne s’y est pas trompé, puisque les recettes du film dépasseront à peine les dix-huit millions d’euros pour un budget cinq fois plus important. Néanmoins, le film vaut la peine d’être vu, pour ses maquillages, un gore subtil et surtout tout le sous-texte théologique plutôt fun, qui agit en écho au cinéma de Balagueró, et qui en plus s’avère des plus crédibles.
Finalement, « [REC]² » aurait certainement tiré bénéfice d’une réalisation plus « classique », qui n’empêchait en rien de proposer une œuvre nerveuse (pour s’en convaincre, il suffit de revoir les « Jason Bourne » de Paul Greengrass). L’intérêt des deux cinéastes semble davantage se situer dans le développement d’une nature théologico-scientifique de la pandémie qui se propage dans l’immeuble, et non plus pousser la forme à l’extrême. En reste donc un film sympa, qui n’a d’intérêt que par rapport au premier et se révèle assez anecdotique au sein de la saga. Ce n’est pas pour autant un ratage, mais cette suite s’avère néanmoins une déception, toute proportion gardée.
-Stork._