Portrait d'une génération de hockeyeurs russes tiraillés entre deux mondes, Red Army est avant tout celui de Slava Fetisov, l'implacable capitaine d'une équipe nationale autarcique. Un grand bonhomme aux yeux bleu acier qui laissent parfois filtrer beaucoup plus que ce que l'homme n'ose prononcer sur une période où le silence était de mise. Entre non dits, sourires rapidement effacés et regards humidifiés, le documentaire appuie sur les plaies béantes, celles de petits garçons élevés pour être le rouage indispensable d'une machine à gagner.
Membres d'un même corps, d'une équipe nationale divisée en lignes de cinq joueurs qui ne sauraient être interchangés, ces jeunes hommes ne comprendront que bien plus tard ce qu'ils ont sacrifié. Armes de guerre, ils sont les représentants d'un sport élevé au rang d'art, magnifié par un entraîneur piochant dans toutes les disciplines pour obtenir d'eux le meilleur. Un fin stratège sacrifié par la politique, laissant sa place à des méthodes encore plus militaires et sans pitié.
Après avoir surpris et humilié les équipes nord-américaines, la Red Army se doit en effet de rester l'une des preuves de la suprématie du communisme. L'étau se resserre chaque jour un peu plus autour des joueurs à mesure que le système se fendille. Courtisés par la NHL, les héros d'autrefois deviennent alors ennemis ou parias, condamnés à quitter en douce leur pays, à renoncer aux belles promesses ou à ne plus jamais jouer. Réduits, quoiqu'il arrive, à ne plus jamais pratiquer le hockey à leur plus haut niveau : autrefois éléments indispensables d'un tout ravageur, les voilà devenus des individus devant gérer leur carrière. Au fil des témoignages, le documentaire sensible et étonnamment drôle retrace le parcours de ces sportifs censés représenter jusqu'au bout les merveilles d'un monde qui n'en a plus pour longtemps. Des instruments du pouvoir tiraillés entre deux univers dont le combat semble toujours les hanter.
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