Evoquer la guerre froide, côté soviétique, par le prisme du hockey (sport extrêmement populaire et emblématique à l époque des deux côtés du mur) est une brillante accroche, traitée avec dextérité et humour par Gabe Polsky. Choisir en plus, de focaliser la majeure partie du film sur une interview de Slava Fetisov (vraisemblablement l’une des meilleurs joueurs de tous les temps), athlète au paradoxal parcours, par sa loyauté à la patrie, et sa passion pour ce sport (ministre sous Poutine il a quand même fait construire 300 patinoires !), renforce la crédibilité du propos qui ne se veut ni partisan, ni détracteur. Bien installé dans sa vie de businessman, on le sent pourtant constamment sur la corde raide, de peur d’un coup perdant, le ressentiment au bord des lèvres, la colère sous-jacente. Et il y a de quoi ! Lui, comme tant de ses co-équipiers, croyait sincèrement au système, le revendiquant fièrement à chaque victoire. Les joueurs d’alors étaient les porte-étendards d’une union soviétique à la suprématie affichée. Mais quand l’instrumentalisation de leurs performances s’est révélée, la désillusion fut terrible. Des années 80 à l’aube des années 2000, ce sont deux décennies capitales qui sont ici abordées. Celle de l’apparente surpuissance soviétique qui n’a de cesse de s’effriter, cherchant les moyens de survivre et qui se délitera au printemps du 21ème siècle tel un château de glace sur les bords de la Volga. Cet effondrement (le peu d’estime qu’on leur portait, l’échec du système auquel ils croyaient) et l’amertume qui en découle suintent à chaque plan et nous font mieux comprendre la nostalgie de certains pour cette glorieuse période, Poutine en tête. Il ne faut pourtant pas considérer « Red Army » comme un pensum indigeste. Privilégiant parfois des rushes imparfaits (coups de greule d’intervenants trop titillés, interviews perturbées…) Polsky donne à son doc un ton plus empreint d’authenticité et donc de vraisemblance. Un excellent palet dans la mare !