N'y allons pas par quatre chemins.


Le point fort de Red Lights, c'est ce redoutable bras de fer mental qu'il impose au spectateur, comme s'il le mettait au défi à chaque nouvelle séquence. "Vas-y, sois plus malin que moi, trouve le truc avant la confrontation finale", ne cesse-t-il de lui glisser à l'oreille, avant d'ajouter avec un sourire goguenard : "du moins... si truc il y a". Pendant qu'à l'écran, ça cause à n'en plus finir, ça roule des gros yeux et ça prends des mines renfrognées, du côté ciboulot, ça carbure à plein régime.


Didactique dans le bon sens du terme, le récit prend le temps de nous expliquer les grandes ficelles de l'escroquerie parapsychologique, démonstrations à l'appui, et nous explique comment voir au-delà, quels sont les signes auxquels il faut être attentifs, quelles sont les diversions, les distractions, les petites manipulations, les idées préconçues qui peuvent biaiser notre raisonnement. Après quoi il nous convie à une heure et demi de travaux pratiques.


Les agités du bocal s'en donneront à coeur joie. Les théories fusent à chaque twist sans qu'on ne sache jamais si ces efforts se justifient, si l'on ne se fourvoie pas, si l'on ne nage pas en plein surnaturel. Les codes du fantastique sont maîtrisés, l'image est austère, poisseuse, la tension est palpable, la réalité hésite, la folie guette, la peur n'est pas loin, en lisière, derrière le rideau. Et même si le visage fermé de Robert de Niro nous est trop familier pour être convaincant, le casting trois étoiles ne gâche rien : quel régal, en effet, d'être les témoins privilégiés de cette confrontation de sommités présentes, passées et à venir, auxquelles le script réserve leurs lots de morceaux de bravoure. Bien que verbeux, les dialogues sont d'une finesse rare, tout comme les cadrages, la lumière, la photographie, pensées jusqu'aux moindres détails.


On ne regrettera finalement que ce traitement narratif (autant que musical) "à l'ancienne", ce point de vue impersonnel appliqué à rester à la surface des choses, à ne pas s'impliquer, à ne pas prendre le risque de se faire trop humain, à ne pas quitter la zone de confort du "cérébral", celle-là même où tout est calculé, surveillé, contrôlé, pour jouer les équilibristes sur le fil anarchique de l'émotion.


Difficile, dès lors, de ne pas penser au cinéma de Nolan en général, et aux films d'avant Batman Begins en particulier. Au Prestige, même, s'il faut n'en citer qu'un, auquel ce Red Lights ressemble comme un faux jumeau - de son rythme, sa froideur, sa construction mécanique mais sans failles, jusqu'à son final presque inattendu. Un final audacieux, bien pensé, que n'aurait pas renié le père Christopher, mais qui laisse sur sa faim à trop se vouloir explicite. Le monologue explicatif était de trop. Le film devait se terminer au moment où les portes se ferment. N'est-ce pas la tradition ? Cortès a-t-il manqué de confiance en lui, alors, ou n'a-t-il pas assez eu foi en l'intelligence de son public ?


Sans doute ne le saurons-nous jamais.


Sans doute certaines questions doivent-elles rester sans réponse.


Il n'en demeure pas moins qu'il livre avec Red Lights un film intense et stimulant.

Liehd
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le 31 juil. 2015

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Liehd

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