Paradoxe temporel
Red Sparrow est un film qui ne laisse pas indifférent. Sur la forme, on peut saluer le financement d’un film de studio aussi violent, qui parle d’humiliation par le sexe, de torture, de meurtre...
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le 3 avr. 2018
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Un ours, un aigle, et, entre eux... Un simple moineau.
Avec le visage de Jennifer Lawrence. Tout en rondeurs presque poupines, et mangé par une large frange blonde.
Pour tout dire, cela choque un peu. Red Sparrow désarçonne le temps de quelques secondes où apparaît pour la première fois à l'écran son héroïne. Juste après une scène des plus emblématiques du film d'espionnage, cette rencontre nocturne, dans un parc, entre un agent et sa taupe. Le classicisme est total. Il sera constant tout au long du film.
Aux antipodes d'un Bond, encore plus d'un Atomic Blonde, dont l'idée de la seule comparaison laisse le masqué des plus songeurs, Red Sparrow évolue à pas feutrés, à sa propre cadence, comme s'il ne donnait au spectateur, dans un premier temps, que modérément, afin que le charme agisse sur le long terme. A tel point que, dans une atmosphère sombre, sèche, parfois funeste, couplée à une réalisation sobre et assez classieuse, on ne voit pas passer les 2H20 du film, ce qui est suffisamment rare pour être signalé.
En explorant tout d'abord la Red Room, dans laquelle on pourrait s'attendre à voir une Black Widow traverser l'écran, Red Sparrow, qui a déjà bien malmené son moineau et rendu prisonnier, suscite immédiatement l'intérêt en déconstruisant le personnage principal et en le confrontant à la déshumanisation nécessaire à la mise en place de la manipulation. Les images sont crues, les situations le sont tout autant. L'emprise est là.
Elle sera mise en pratique tout au long de l'intrigue, où chacun se surveille, fait pression, extorque et sollicite. Le moineau est relativement trouble, ne reculant devant pas grand chose pour arriver à ses fins. On ne rallie pas l'aigle à sa cause en étant une oie blanche.
On se demande longtemps où Red Sparrow va emmener son espionne, entre danger et opacité des relations et des combines silencieuses. Le film est littéralement animé par la reformation du duo initié par quelques Hunger Games. Devant la caméra, Jennifer étincelle, nourrit une figure de femme forte tout en s'affranchissant de son image glamour, comme si elle était écrasée par l'atmosphère froide installée par Francis derrière la caméra. Celui-ci, loin des débordements graphiques de Constantine, se montre au contraire posé, dans un style raffiné, secoué par quelques irruptions d'une violence sèche parfois saisissante. Il arrive même à conférer à Red Sparrow un caractère assez intemporel à l'histoire qu'il raconte, alors que le simple nom de guerre froide suffit en général à faire un bond de cinquante ans en arrière...
Vous le comprendrez, Red Sparrow a enthousiasmé le masqué, qui était loin de s'attendre à pareille réussite. Même si le film n'ose pas aller jusqu'au bout dans l'ambiguïté de son personnage, cédant dans sa dernière ligne droite à une résolution assez consensuelle.
Le film souffrira peut être aussi aux yeux de certains de son classicisme misant beaucoup plus sur son atmosphère que sur son action pour séduire, ainsi que sur son aspect bien plus mature que d'habitude pour ce type de productions.
Traversé enfin par des seconds rôles savoureux et euphorisants (car rares à l'écran), comme Mary Louise Parker, Joely Richardson ou Jeremy Irons, Red Sparrow s'impose comme une insolente réussite qu'il serait bien dommage de dédaigner.
Ce qui, à la lecture des critiques mitigées disponibles sur le site, semble malheureusement déjà arriver.
Merde...
Behind_the_Mask, qui hésite entre les moineaux et les rouge-gorges.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Une année au cinéma : 2018 et Les meilleurs films de 2018
Créée
le 5 avr. 2018
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18 commentaires
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