Œuvre monumentale, le film tend à s'égarer dans des digressions sentimentales. Il faut s'armer de patience pour être vraiment pris dans le tourbillon frénétique de la révolution russe et de ses conséquences américaines.
Pourtant, fresque épique, Reds incarne la passion de son réalisateur pour le cinéma:
La photographie est somptueuse, le film remarquablement documenté, les acteurs épatants, la mise en scène parfaite et la musique au diapason du récit.
Sujet particulièrement riche et délicat à traiter, le socialisme (et communisme) aux état unis reste cependant le parent pauvre de cette production: les épisodes tumultueux de la politique américaine et de sa vie intellectuelle sont survolées sans réelle volonté de développement, on sent un certain ménagement du publique empreint de culture capitaliste et conditionné à rejeter le communisme, dommage car certaines scènes intéressantes, notamment sur la situation des ouvriers à cette époque et leur grèves, sont bien trop courtes.
C'est plutôt ce tourbillon entre Louise Bryant et John Reeds, leur amour passionnel et pourtant difficile, leurs idéaux, leur radicalité et leur engagement politique qui est l'intérêt de Warren Beatty.
Malgré l'excellent jeu des acteurs, tout ces tourments sentimentaux, entrecoupés de témoignages de survivants de cette époque (témoignage le plus souvent inutile et tendant à casser le rythme du film) orientent le film en une sorte de marivaudage sans grand intérêt: c'est beau, c'est long, cela en devient doucement ennuyeux.
Et puis la révolution russe arrive, alors le monde vacille et nos héros sont les témoins de cette formidable aventure. Au cœur de ce chaos frénétique, nos héros sortent enfin de leur torpeur et donne un intérêt fascinant à cette histoire.
Dès lors le film va se singulariser dans une approche plus radicale, plus historique et bien plus fusionnelle dans son propos. Les épisodes se veulent aussi plus sombre et plus critique, il y a de l'émerveillement face à toute cette énergie révolutionnaire mais aussi une féroce dénonciation de sa récupération et de la mise à nue de ses rouages politiques.
Période folle pour notre couple, c’est également l'age de la raison, un face à face cruel avec la réalité et le danger que ce soit dans leur idéaux ou leur engagement passionnel réciproque, c’est en somme, le moment de vrais choix, de ceux qui conditionnent toute une vie.
Couple engagé, sans concession, féministe, certainement trop idéaliste, Louise Bryant et John Reeds vont tout donner pour vivre pleinement et se retrouver après bien des heurts.
Warren Beatty s'offre ainsi son plus grand rôle dans ce qui est certainement l’œuvre de sa vie.