Le bon glabre eut été truand
Les aventures des frères Earp et de Doc Holliday à Tombstone et la fameuse fusillade du mercredi 26 octobre 1881 qui les opposa aux Clanton sont presque devenues un genre en soi...
Plus intéressant que la question de la véracité historique des différentes versions, le problème fondamental tient à l'interprétation des deux principaux protagonistes, avec une règle d'or : Doc finit toujours par piquer la vedette à Wyatt.
Victor Mature dans La Poursuite infernale, Kirk Douglas ici, Val Kilmer dans Tombstone, Dennis Quaid dans Wyatt Earp, à chaque fois ils profitent du caractère jouissif et tragique du Doc pour effacer autant que possible un héros toujours un peu trop lisse, qu'il soit joué par Henry Fonda, Burt Lancaster, Kurt Russell ou Kevin Costner...
A noter d'ailleurs que peu d'interprètes ont osé passer outre la sacro-sainte moustache de nos héros (avec néanmoins une variable très aléatoire entre la petite de Fonda et la José Bové de Kevin...) il s'agit de Victor Mature, de Burt Lancaster et de Randoph Scott aussi, dans le Frontier Marshall d'Alan Dwan (Et je vous fais grâce des diverses apparitions de Doc dans les Cheyennes ou de Wyatt dans Winchester 73...).
Ici, deux choses très plaisantes, histoire de ne pas non plus refaire le Ford inutilement. D'abord, le fait de commencer l'histoire bien en amont de la célèbre fusillade, je crois même que la grosse majorité du film est située en dehors de Tombstone, ensuite, le fait de réussir assez joliment le mélange de la fiction et de la vérité historique, elle-même déjà matinée de légende... Ainsi, le parcours de Doc est par exemple assez respecté, jusque dans ses détails les plus improbables. Avec ça, le scénariste en a véritablement rien à branler de faire un truc trop réel, il voulait d'ailleurs surtout foutre de l'homosexualité entre les deux bougres et il faut tout le talent de John Sturges pour réussir à faire du matériau de base associé au rajout d'une rousse flamboyante par un Hal Wallis qui se méfiait, un petit bijou qui tienne la route.
Parce que, au final, ce qui compte, c'est d'avoir un très chouette western très proprement réalisé par un bon spécialiste du genre, avec un couple de vedettes au petits oignons et toutes les péripéties que cela implique, pour le reste, avouons-le sans fard, on s'en badigeonne allègrement le nombril avec le pinceau de l'indifférence.
Dix ans plus tard, John Sturges remettra le couvert pour une suite de ces aventures, reprenant justement après la fameuse fusillade. Dans Sept secondes en enfer, je ne peux que supposer que Jason Robards confirme une nouvelle fois la règle d'or, même si, vu qu'en face c'est James Garner, je ne prendrais pas trop de risques à me montrer plus affirmatif... Mais ce dont je suis bien certain par contre, c'est que les deux paires de moustaches y sont bien à leur place... et que la terre peut donc continuer à tourner selon son habitude.