Irréversible !
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Sans doute vaut-il mieux ne pas connaître le principe de la construction de ce Rendez-vous à Tokyo, (un titre français idiot, qui n’a rien à voir avec la proposition du film, dont le titre original signifie « Je viens juste de me souvenir »), pour passer la première partie du film à s’absorber puis à résoudre la logique de sa narration. Et ce d’autant que le petit jeu de décryptage permet de s’accrocher durant cette première partie, qui se révèlera sinon sans doute un peu austère, tant elle aligne des scènes quasi muettes, atonales souvent, où les personnages flottent dans une sorte de tristesse mélancolique, quasi-hébétée pas forcément séduisante. Nous suivons donc deux personnages, Teruo (Sosuke Ikematsu, pas toujours convaincant) et Yô (Sairi Itô, assez fascinante avec sa voix rauque), dans leurs activités au cours de journées du 26 juillet, une date qui est celle de l’anniversaire de Teruo : des activités anodines, qui culminent lors de rencontres de personnages singuliers, plus intéressants sans doute que les deux protagonistes principaux (comme cet homme solitaire sur un banc qui attend sa femme qui reviendra « du futur », ou ce propriétaire de bar homo et philosophe, qui a beaucoup de choses à dire sur l’amour…).
Daigo Matsui a réalisé de nombreux long-métrages, mais est encore à peu près inconnu en France : on aura, avouons-le, un peu de mal à saisir ici ce qui ferait sa singularité, ce qui pourrait être son talent : même la référence répétée à Jarmusch, et en particulier aux scènes du taxi avec Winona Ryder et Gena Rowlands dans Night on Earth, hormis le fait que Yô soit elle-même chauffeuse de taxi, semble plus un effet de signature un peu gratuit qu’une nécessité narrative.
Et puis, à mi-chemin, voilà que le film décolle, se transforme en sorte de rom com matinée de doutes existentiels : la vie de Teruo et Yô, qui semblait si morne, s’anime, la légèreté et les fous rires nous récompensent de notre attente. On danse même sous la pluie, dans les ruelles tokyoïtes : Rendez-vous à Tokyo atteint d’un coup à la grâce, le chagrin et la perte sont oubliées. Et quand le film se clôt, dans un très beau déploiement d’émotion, sa conclusion, qui ne méritait pas forcément un aussi long chemin pour y parvenir, est simple : en dépit des regrets de ce qui était et n’est plus, et de ce qui aurait pu être, la vie continue, et ce n’est, après tout, pas si mal.
Quant à statuer sur le talent de Daigo Matsui, attendons pour ce faire un autre film, peut-être avec une construction moins alambiquée, qui ne servait en fait ici qu’à dissimuler une certaine banalité de son sujet.
[Critique écrite en 2023]
Créée
le 31 juil. 2023
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