Registres d'images
Plongé dans l'horreur du génocide perpétré par les Khmers Rouges, ce film marie les registres d'images pour tenter de capter l'indicible. C’est à travers l'usage d'images d'archives et de figurines...
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le 24 oct. 2024
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En 1978 le Cambodge est devenu le Kampuchéa démocratique assujetti à la tyrannie de Pol Pot responsable de l'extermination de 20 % de la population du pays (environ 1,7 million de morts) par exécutions, torture, travail forcé excessif, maladie ou famine.
Trois Français, la journaliste Lise Delbo qui connaît le pays, un reporter photographe très trop curieux Paul Thomas et un intellectuel sympathisant de l'idéologie révolutionnaire Alain Cariou ayant fréquenté la Sorbonne en même temps que le dictateur se rendent sur place dans l'espoir d'obtenir une interview de Pol Pot.
Accueillis par des proches de celui qu'ils appellent Frère Numéro 1, ils sont rapidement enfermés à clé dans des chambres spartiates agrémentés de cadeaux (vernis à ongles pour la dame, alcool pour les messieurs...). Dès le lendemain les visites soigneusement programmées se succèdent. Une coopérative agricole, des militaires à table tous étrangement silencieux et manifestement terrorisés mais aussi la visite de l'endroit très austère et dépouillé où est censé vivre Pol Pot. Nous découvrirons sans surprise beaucoup plus tard qu'il vit en réalité avec une garde très rapprochée dans un palais, seul bâtiment encore debout de Phnom Penh, ville désertée, abandonnée, détruite... tous les habitants ayant été contraints de tout quitter pour vivre en collectivité à la campagne.
Les trois visiteurs se doutent rapidement que ce qui leur est montré ainsi que le discours rassurant de leur accompagnateur interprète ne reflètent en rien la réalité. L'ambiance se crispe rapidement.
Pour la première fois Rithy Panh réfugié en France mais qui fut témoin des atrocités commises à cette époque et a perdu toute sa famille utilise la fiction (très documentée) pour évoquer les horreurs, continuer à rendre hommage aux victimes et témoigner des abominations de ce régime. Les petites figurines et les maquettes même si elles sont magnifiques et les quelques images d'archives (dont certaines sont absolument insoutenables) ne me semblent pas indispensables car le réalisateur réussit toute sa partie fictionnelle de manière totalement immersive, réaliste et terriblement anxiogène.
On découvre comment un type mégalo et sanguinaire (qui a échappé à la justice et a coulé des jours heureux jusqu'à la fin des années 1990) a rendu exsangue un pays prospère à la culture et aux charmes uniques. Selon ses termes il a transformé "un pays révolté en un peuple révolutionnaire". J'aurais aimé que la rencontre et l'interview durent plus longtemps. Au cours de cette scène on observe le travail délicat de la journaliste chargée de poser des questions qui dérangent au mépris de sa sécurité. Oser demander au despote lui-même comment un pays peut survivre sans monnaie, sans économie, sans échanges, sans culture, sans intellectuels et même sans religion... me semble d'une grande audace voire d'un grand courage. Le travail et la tentative de musèlement de la presse au coeur du propos me semblent autrement plus intéressants à appréhender ici que dans un récent film hollywoodien de guerre civile... Le réalisateur n'en a jamais fini de documenter le traumatisme inextinguible de son pays réprimé dans la terreur et la violence et nous ouvrir les yeux sur le travail de mémoire des atrocités qui y ont été commises.
Un film éprouvant mais passionnant.
Créée
le 13 juin 2024
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