Ok, le titre est vraiment moche, plus proche de la marque de déodorant que du blockbuster catchy. Ok, le nom du réalisateur sonne comme un pseudonyme (Miguel Sapochnik ? Sérieusement ?), ce qui inspire rarement confiance. Mais difficile néanmoins de s'expliquer la diffusion ultra-confidentielle de Repo Men sur le territoire français ou pour parler de ce je connais, dans Paris intra-muros, où il ne bénéficia que des (modestes) honneurs de l'UGC Orient Express et du Publicis.

Le casting n'est pas atomique, mais Jude Law et Forrest Whitaker en têtes d'affiche, Liev Schreiber et RZA en seconds rôles, on connait bien des bouses estivales à large diffusion qui n'en rêveraient pas même. Les moyens suivent, décors et effets spéciaux n'ont rien du film de potes bricolé avec quelques poignées de dollars et une caméra DV, et on a même droit à du vilain placement produit : on est bien en face d'un blockbuster. Et un blockbuster invisible en salles, c'est un peu comme un film de SF sans filtre bleu : on a du mal à y croire.

C'est donc dubitatif et prudent, ou l'inverse, que l'on se plonge dans l'histoire de Remy (il s'appelle Remy ? C'est IMDB qui me le dit, je ne me souvenais absolument pas du prénom du héros), chargé de récupérer, avec les dents ou presque, les organes artificiels achetés à crédit par de pauvres diables incapables de les rembourser. Sans scrupules et sans pitié, il traverse la première demie-heure du film à coups de taser et de scalpel, accompagné de son Forrest Whitaker de collègue/ami d'enfance, moins scrupuleux encore. Et puis, comme toujours quand on fait un peu trop le malin sans scrupules dans un blockbuster dont on est censé être le héros, les choses se corsent et les ennuis vous tombent sur la gueule.

Sans dévoiler les ressorts (passablement rouillés) de l'intrigue, on évolue dans le plus classique des schémas hollywoodiens : le doute, le déni, la souffrance et puis la rédemption, rien de bien nouveau depuis La Bible. Évidemment il y a de l'amour et du dilemme et des complications et des larmes et des combats fratricides, mais on reste dans le chemin balisé du film "moral" américain (couplet familial compris), et ce n'est pas dans ses péripéties relativement téléphonées qu'il faudra trouver un intérêt au film. Pas plus d'ailleurs que dans le dispensable twist final, inexplicable sinon pour justifier une fin abrupte et l'épaissir à peu de frais d'une mise en abyme amère qui aurait fonctionné il y a 20 ans.

Mais malgré ce manque d'originalité scénaristique, Repo Men n'est pas totalement dépourvu d'attraits. Son univers n'atteint pas la cohérence et la puissance d'un Brazil ou d'un Blade Runner, mais on s'immerge sans difficulté dans ce futur proche où de viles corporations tiennent au creux de leur main l'impuissante population de mégapoles froides et sans âmes. Rien de révolutionnaire, mais rien d'infamant non plus, on arrête rapidement d'interroger la vraisemblance de l'ensemble pour se concentrer sur la trame du film, sauf peut-être quand on veut absolument nous fourguer une volskwagen.

Le casting est quant à lui inégal. Si Forrest Whitaker y est franchement banal (à sa hauteur. Un Whitaker banal est à peu près au niveau d'un The Rock exceptionnel), les personnages de Liev Schreiber (en commercial-enfoiré comme savent si bien les dépeindre le gros cinéma américain qui en regorge) ou Alice Braga (en chanteuse junkie artificielle de partout) sont plutôt bien campés. Et si Jude Law n'ira pas chercher l'oscar pour sa performance, il apporte ce qu'il faut d'ombre et de complexité à son héros pour éviter le syndrome Will Smith.

Et puis, le film comporte quelques morceaux de bravoure cinématographiques qui justifieraient à eux seuls, sinon l'achat d'une place de cinéma, au moins une location en DVD ou un téléch...La scène (presque) finale entre Jude Law et Alice Braga, langoureuse et morbide à la fois, est un clin d'oeil aussi habile qu'élégant aux habituelles scènes d'amour qui hantent nos films du dimanche soir. On en vient d'ailleurs à regretter que cette audace et cette inventivité ne se retrouve pas plus largement dans le film.

Quant au message, on peine à aller plus loin qu'une vague dénonciation d'un capitalisme immoral et inhumain ("les subprimes dans ton corps"), idéologie désormais en vogue mais qui a ici tout du vernis et rien du sous-texte incisif.

Il me semble évident que si RepoMen avait été matraqué au burin par la publicité et l'omniprésence médiatique, j'eus été bien moins indulgent. Mais les choses étant ce qu'elles sont, son relatif anonymat lui autorise certains défauts et maladresses, au point que je lui pardonne même sa vilaine fin de feignasse.

La L1 reprend demain : si vous n'aimez pas le foot, allez voir Repo Men, c'est toujours mieux que Joséphine Ange Gardien.
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le 6 août 2010

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