Darren, t'es un pote.
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le 30 mars 2011
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Critique qui pourrait vous révéler des éléments de la fin de Requiem for a Dream.
Requiem for a Dream n'a pas volé sa réputation d'oeuvre coup de poing : complexe à regarder jusqu'à la fin, ce n'est pas tant dû à la cruauté de son écriture, à la déchéance de ses personnages parfaitement retranscrite par le jeu de ses acteurs qui trouvèrent tous le rôle de leur carrière (superbes Jared Leto, Jennifer Connelly, Marlon Wayans et Ellen Burstyn) qu'à la mise en scène clipesque, complètement épileptique de Darren Arofonofsky, réalisateur alors inconnu qui inscrivit, dès ce film, son nom au panthéon des p'tits nouveaux prometteurs.
Absolument virtuose dans la synthèse de tout ce que l'esthétique du cinéma des années 2000 avait déjà à offrir à un thriller psychologique, le réalisateur, pour son deuxième film, repousse toujours plus loin les limites de ses visuels en distordant complètement la réalité, en détruisant ses couleurs pour mieux les remplacer par des flashs acides, éblouissants, et des hallucinations de changement de décors désarçonnantes, où les gros plans seront monnaie courante.
Un peu trop, diront certains; cela le rend vulgaire, penseront d'autres; ceux-là auront tous raison : la forme, en adéquation parfaite avec le fond, est volontairement laide afin de retranscrire la catastrophe annoncée dès le départ par le comportement de Leto avec sa mère, et jamais l'on ne croira à la rédemption que chacun recherche tout du long, que ce soit une rédemption sociale en vue d'une perte de poids sous le feu des projecteurs, ou l'espoir mort-né d'un amour à mener principalement entretenu par la drogue, financé par une affaire que le trio (Leto, Connelly, Wayans) voulait construire et mener jusqu'à la réussite. On fait semblant d'y croire, on essaie de se dire que cette histoire peut, même à 1 contre 100, finir bien : sans surprise, cela se finit mal pour chacun d'entre eux.
Ce n'est pas n'importe comment qu'elle se conclue, d'ailleurs : à pousser toujours plus profondément la déchéance de ses personnages et la dureté de ses visuels (la prostitution est surement la séquence la plus difficile à suivre), on pourrait alors lui reprocher d'être un film uniquement porté sur le dégoût de la plastique; ce serait oublier la beauté formelle de ces quatre destinées réunies dans une longue séquence d'un quart d'heure où l'on suit méthodiquement, précisément la fin de chacun des chemins, étudiant avec un voyeurisme presque malsain le point de non retour que chacun aura atteint.
Et s'ils pâtissent tous à leur manière de la drogue, il est une chose qui les rassemble sans exception, un élément de mise en scène qui prouve, une dernière fois, que ce quatuor n'est finalement que la représentation individuelle d'une famille plus grande encore, celle des junkies, des moqués de la société qu'on abandonne dans le métro, desquels on craint le regard, la puanteur, la pauvreté (le vagabondage dans le métro est un grand moment) : cette position fœtale, réflexe extinctif de tout Homme désespéré, renvoie directement à l'enfance des protagonistes avec une distinction particulière.
Trois des personnages ne se droguent plus, forcés par les évènements : le travail forcé pour l'un, l'asile pour l'autre, les stigmates d'un mauvais fixe pour le dernier. Il n'y a que cette femme désespérée qui détruit son propre corps à grands coups de soirées de prostitution avec des riches dignitaires filmés de façon abjecte, vulgaire, qui continue ses prises quotidiennes et sert contre elle ses doses, en position foetale dans son lit, chez elle, loin des hôpitaux et des camps d'épuisement, comme on serrait contre soi, enfant, ses peluches les plus chères.
Le constat se pose comme une terrible vérité : Requiem for a Dream est un film d'utilité publique à diffuser aux classes de fin de collège si l'on veut sensibiliser les jeunes aux dangers des drogues dures. La leçon est d'autant plus juste qu'il n'est jamais dans le jugement des actes de ses personnages; de cette neutralité découle par définition une justesse de propos réjouissante, où l'on ne fera aucun constat arrêté (les drogues douces, par exemple, ne sont jamais montrées comme une porte d'entrée vers la ruine d'une vie), où le réalisme primera sur les valeurs inculquées par un cinéma de genre moderne et considéré comme exemple de vie où la drogue fait partie du quotidien des personnages.
Cette affreuse histoire, maîtrisée de part en part, possède un impact démesuré majoré par son montage ultra précis et suffisamment brutal pour retranscrire avec la précision nécessaire la violence de son déroulé désastreux. Petit traumatisme qui ne laisse pas indemne, Requiem for a Dream a le mérite d'avoir opté pour une violence de fond, de propos encore plus que de forme, puisqu'il se refuse à tout excès sanglant, sadique, et mesure constamment la déchéance de ses séquences de décadence afin de ne pas la rendre gratuite, hors propos, sans justification.
Reste le souvenir, en fin d'amour, d'une jolie fille qu'on connaissait sur la jetée, et qui petit à petit disparaît.
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Créée
le 12 déc. 2019
Critique lue 248 fois
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