Après avoir rencontré le succès avec le lynchien π, Darren Aronofsky enchaîne avec Requiem for a Dream. Adaptation d'un roman de Hubert Selby retraçant la déchéance de New-yorkais des bas quartiers dans l'enfer de la drogue. Dit comme ça, ça fait très cliché et poussif. Ces qualificatifs ne sont d'ailleurs pas faux, nous y reviendrons.

On avait déjà pu remarqué l'extraordinaire talent de mise en scène d'Aronofsky et son second opus transforme définitivement l'essai. Une mise en scène esthétique, moderne et inquiétante à la fois. Parfois un peu clinquante, tant elle emprunte ses codes aux canons du cinéma branchouille de Danny Boyle ou de Tarantino. Les effets de styles en pagaille affirment cette patte de la génération MTV, nourries aux images et aux codes cinématographiques. Le montage non linéaire, tranché, qui prend une véritable part dans la mise en place de l'ambiance est un autre signe de cette maîtrise du langage vidéo. On s'adresse ici à un public averti, habitué à décrypter les raccourcis et à interpréter les images en un instant. Un film au style taillé pour la jeune génération des années 2000, imunisée aux simples effets gores.

Le grand avantage de ces réalisateurs ancrés dans leur temps, à l'opposé d'un Jarmusch, est que leurs film coulent dans notre rétine comme du miel. Le spectateur est immédiatement pris dans l'histoire et se sent impliqué dans celle-ci. Le scénario violent et volontairement choquant renforce encore la sensation d'être envahi par un film qui nous imprègne. A tel point que la descente aux enfers irrémédiable de nos 4 personnages centraux en vient à être ressentie comme une prise d'otage. Celle-ci est d'autant plus révoltante qu'elle ne se justifie que par elle-même. Le film, dans sa mise en scène et son propos est pessimiste, violent et cynique. Ainsi, voir Requiem for a Dream, c'est s'infliger l'échec de personnages perdus qui n'ont que leur médiocrité à nous offrir. Difficile d'adhérer complètement à ce film qui semble parfois tenir plus d'une campagne anti-drogue que d'une véritable vision. A aucun moment, le film ne semble vouloir nous présenter autre chose que son insoutenable final qui a beaucoup marqué les esprits.

A ce stade, on est en droit de se demander si le but de Requiem for a Dream ne tient pas autant torture porn qu'un épisode de Saw. Si on excepte l'absence de sang et un style bien plus maîtrisé, la ressemblance est plutôt frappante. On assiste à la souffrance de personnages pris dans leur propres vices pour le simple plaisir d'y assister, si possible de la manière la plus brutale possible. Certains jugeront la comparaison un peu rude mais elle me paraît néanmoins partiellement justifiés. En effet, il m'a été difficile de passer outre la sensation d'avoir assister à un simple film d'horreur emballé dans un voile de fausse pudeur. Le scénario cherche tellement forcer le trait du pessimisme qu'il sacrifie bien trop son aspect réaliste et social. Je ne peux que reprocher à Requiem for a Dream d'aborder la question de la drogue sans se poser d'autre question que les pires conséquences que sa consommation peut avoir. A ce taux là, je préfère un bon épisode Saw, le numéro 3, qui offrira une vision moins pessimiste et ne me laissera pas avec la qu'on a essayé de me tromper sur la marchandise.

Finalement, Requiem for a Dream reste un film à voir. Mais ce dernier souffre, peut-être plus encore avec les années qui passent, de ses intentions trop appuyée qui en font un film aux accents adolescents.
Etheroman
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le 26 nov. 2010

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