La cinéphilie collective a érigé des films au rang de chef d’œuvre, les faisant passer de bons à excellents, à chef d’œuvre donc. Si l’écrasante majorité de ces films est constituée d’œuvres issues du cinéma national (et sans être chauvin, ça se comprend) ou du cinéma américain et plus largement, occidental. Et puis il y a les autres, l’Asie, l’outsider du lot, avec la Chine, le Japon, la Corée du Sud pourvoyant un certain nombre de monuments. J’omets l’Amérique du Sud et l’Afrique, qu’on a tendance à oublier de façon générale (ce qu’il serait intéressant d’étudier). Toujours est-il que dans les pays du Nord, entre l’Asie et l’Europe occidentale, il y a l’Europe de l’Est, un genre d’entre-deux de la culture populaire, on a vaguement quelques films soviétiques avec Tarkovski, Béla Tarr en Hongrie (incarnation d’un certain cliché), etc. Mais il est un film qui revient systématiquement quand on parle de cinéma est-européen ou de film de guerre, à savoir Requiem pour un Massacre, qu’on préférera appeler de son titre original Va et Vois, issu de l’Apocalypse. Parce que l’apocalypse, le film la fait vivre, dans une descente aux enfers cauchemardesque. Parce que même si la première moitié fait très Tarkovski (on pense notamment à l’enfance d’Ivan), avec son rythme lent, et l’espèce de poésie macabre jamais tout à fait ancrée dans le réel, le réel, justement, finit par revenir au galop. Cela commence par un charnier entrevu le temps d’un plan-séquence, une scène de traversée de marécage portant toute l’incompréhension de l’enfance face à l’horreur. Et puis soudain la guerre, la vraie, qui va progressivement en puissance jusqu’au massacre annoncé par le titre français. Un massacre, d’ailleurs presque caricatural, mais qui sera contrebalancé lors de la vengeance, qui replace brutalement l’humain au milieu des monstres. Parce que c’est cela, Va et vois, montrer, par les yeux d’un enfant, que les monstres n’existent pas : seuls subsistent les hommes.