Très difficile de choisir par quel angle attaquer la critique de ce film... A prendre dans le bon sens du terme, car presque tout est bon à prendre dans ce chef d'oeuvre signé Quentin Tarantino. Si l'eau commence à couler sous les ponts pour ce film, il est pour moi intemporel, et le regarder est toujours aussi prenant, l'âge ne semblant pas toucher ce mythe vivant des gangsters, se battant la place avec les malfrats de Pulp Fiction (oui, oui, toujours Tarantino) et du Parrain. Pour cette critique, je m'étais promis d'éviter les éloges et d'avoir un recul le plus objectif possible sur ce film, le regardant à nouveau à l'occasion pour m'aider à localiser les défauts. Mais malgré mes efforts, je n'ai pu que replonger dedans et je crains fort que cette critique ne tourne rapidement en éloge totale pour Reservoir Dogs, première réalisation de Tarantino. Mais bon, on va bien se le dire, il le mérite amplement.

Faisons un petit tour du côté du casting, pour commencer. Michael Madsen (qui sera ensuite de retour notamment dans Kill Bill), Harvey Keitel (rien que ce nom devrait faire frétiller les connaisseurs), Steve Buscemi (de Fargo notamment, ou encore en tête d'affiche de Boardwalk Empire, plus récemment), Tim Roth... Bref, d'excellents acteurs. Et peu contents de leur notoriété, ils nous le prouvent également dans le film, avec un jeu d'acteurs époustouflant, posant des sentiments et une pression scénaristique immédiates. Les personnages sont d'ailleurs à l'image de leurs acteurs : Excellents. Chacun doté d'une personnalité propre sans pour autant tourné au stéréotype, ceux sont des êtres vivants auxquels on fait face. Leur comportement, leurs points de vue, leurs actions, leurs conflits, on peut se retrouver dans chacun de ces éléments, tout en gardant une distance mystique avec ces personnages brûlant de classe dès le générique de début dans leur costard flambant neuf. Chaque personnage principal a le droit à un background approfondi, une exploitation et un destin digne de ce nom. On peut éventuellement déplorer la sous-exploitation de Mr Brown et de Mr Blue, mais j'ai envie de dire, vu la tournure de l'histoire, on pouvait pas trop en espérer, haha... Et puis, Tarantino a eu les paires suffisantes pour le faire de façon justifiée et assumée, donc ça me va. Et même entre les personnages, c'est pareil. Chacun a une relation définie avec les autres. White et Orange qui sont comme des vieux frères, Joe et Eddie qui se méfient d'Orange, Pink et White qui se méfient de Blonde, Eddie qui est comme les deux doigts de la main avec Blonde... Chacun soupçonne ou fait confiance à certaines personnes selon son caractère et son vécu personnel, et ça, on a aucun mal à le comprendre, et ça c'est cool. Car c'est vivant, et quand c'est vivant, je suis dedans.

Le scénario est irréprochable, aussi original qu'intéressant. Pourtant, l'idée de base est assez simple : Des mafieux, réunis sous la tutelle de Joe, organisent un braquage, qui tourne mal, et les survivants soupçonnent l'un d'entre d'eux d'être une balance... En vient alors un terrible tension et des règlements de compte entre les différents protagonistes. Si le concept est juste sympathique de premier abord, la façon dont il est exploité fait tout le film. Sous la forme d'un véritable puzzle scénaristique, et par des points de vue différents, on suit cette histoire avec intérêt, sans réelle idée de comment le tout va se finir. Sans voir une seule fois dans le film le braquage en lui-même, les récits de chaque braqueur nous permettent de recoller les morceaux et de comprendre la scène (et tout ce qui l'entoure) comme-ci on y était. Et ceci, avec tout au plus cinq ou six lieux différents, avec un seul au présent, servant de huit clos pour nos protagonistes. Tout est calculé, dans une cohérence totale, jusqu'au dénouement final, tout adapté au reste du film. Bref on part d'un concept simple pour arriver à un véritable labyrinthe scénaristique où on ne se perd pas, car Tarantino sait nous guider comme il faut, ni trop ni pas assez. En résulte une véritable tension et un intérêt qui nous pompe jusqu'à la fin, tout en gardant pour cette classe omniprésente qui nous absorbe comme l'eau avec du papier essuie-tout. Car, oui, l'une des grandes forces dans ce film, c'est son ambiance.

Essayer de reste stoïque face à ce film est d'un certain point de vue quasi impossible. Transporté par le film, on ne peut s'empêcher de craquer devant le charisme évident de certains personnages, la classe éternelle de certaines scènes, ou devant la bande son originale, qui est une véritable mine d'or du début à la fin. Dans une ambiance seventies, chacun musique donne à la situation une dimension des plus charismatiques et nous rend fou sur nos sièges. Sans parler de ces musiques telles que Little Green Bag ou Stuck in the Middle with You qu'on veut écouter en boucle après visionnage. Et comme-ci ça ne suffisait pas, les scènes qui accompagnent ces musiques sont cultes. Génial, tout simplement. On prend son pied tout du long, et on se prend à trouver classe un mec en train de torturer un policier. Et la réalisation y est pour beaucoup. Car oui, le plus gros atout du film, c'est encore cet aspect là, qui a toujours été l'un des plus grands points forts de Tarantino par son style unique et sa maîtrise totale de la caméra. Avec des plans très longs mais non ennuyeux, ou encore cette dénaturalisation de certaines scènes notamment au moment où Blonde sort dans la rue, on a un véritable festival. On a l'impression que le réalisateur joue avec sa caméra, que tout est parfaitement calculé pour offrir le meilleur rendu ou une symbolique particulière. La scène du monologue d'Orange est une véritable immersion, on se croirait sincèrement avec lui en train de vivre cette histoire qu'il nous raconte en temps réel. Le format des génériques est sobre mais efficace, tout comme la présentation des flash-backs de chaque personnage. Bref, tout est géniale dans cette réalisation qui nous prend aux tripes tout du long, finalisant ainsi une ambiance charismatique et immersive à son summum.

Alors oui, tout ça n'a fini qu'en une éloge énorme du premier film de Tarantino, mais compte tenu de la date de sortie et du résultat, comment faire autrement ? Tout est à prendre, les scènes cultes qui ont besoin d'être vues une fois dans notre vie se comptent à foison, les personnages et les acteurs de ce huis clos nous marquent par leur personnalité et la bande son nous fait vibrer. Du tout bon, tout simplement.

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le 27 mai 2014

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Red Camellia

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